Au Japon, pays dont la population est la plus âgée du monde (aujourd’hui 25,6% de la population a plus 65 ans), le législateur a, depuis plusieurs années, mis en place un système de mesures de protection de l’adulte sophistiqué, compte tenu de la corrélation entre le vieillissement de la population et la perte de capacité de discernement. A titre d’exemple, le mandat pour cause d’inaptitude, introduit en 2013 en Suisse, existe au Japon depuis 1999 déjà. A l’instar du système suisse, le législateur japonais, désireux de flexibiliser et d’individualiser au maximum les mesures en fonction des besoins de la personne à assister, a fait le choix d’encourager chaque personne à disposer d’elle-même.

Le droit japonais distingue deux groupes de mesures en fonction du moment de leur mise en place. Si celles-ci interviennent après la perte de capacité, il s’agira de «houtei kouken» (tutelle légale). En revanche, si elles sont mises en place avant que la perte de capacité ne survienne, il s’agira de «nin-i kouken» (tutelle volontaire).

La tutelle légale est instituée par le Tribunal de famille sur demande de l’intéressé, sa famille ou les autorités. Elle se subdivise en trois catégories en fonction du degré de capacité résiduelle de la personne à protéger, le but étant de ne pas octroyer trop de pouvoirs au tuteur. Le «kouken» (tutelle) est la mesure la plus incisive et s’applique dans les cas de perte permanente de capacité. Le pupille a besoin du consentement de son tuteur pour tout acte juridique. Le «hosa» (curatelle) s’applique dans les cas de perte significative de capacité et exige l’accord du curateur pour les actes spécifiés à l’article 13 al. 1 du Code civil japonais, soit en particulier, les successions, les emprunts bancaires ou tout acte ayant attrait au domicile. Enfin, dans le cadre du «hojo» (assistance), mesure la plus légère, le tribunal définit les actes que l’intéressé ne peut accomplir seul.

La tutelle volontaire ressemble au mandat pour cause d’inaptitude que l’on connaît désormais en droit suisse. Il s’agit d’un contrat par lequel une personne ayant l’exercice des droits civils désigne à l’avance une personne de confiance, afin que cette dernière lui fournisse une assistance personnelle, gère son patrimoine et la représente face aux tiers, dans le cas d’une éventuelle perte de capacité. Selon le droit japonais, le consentement du futur tuteur est nécessaire et ses pouvoirs sont définis avec précision. Les clauses concernant des droits strictement personnels, tels que le mariage, sont in­terdites. Le contrat revêt la forme authentique et doit être enregistré auprès du Bureau des affaires juridiques. En cas de perte de capacité, c’est sur demande de l’intéressé, de ses proches ou du tuteur désigné auprès du Tribunal de famille que la mesure est initiée. Celle-ci débutera au moment où le tribunal aura attribué une personne en charge de surveiller les agissements du tuteur.

Contrairement à la tutelle légale, la tutelle volontaire permet la représentation, mais n’octroie pas le droit de révoquer les actes accomplis par le pupille qui auraient nécessité l’accord préalable du tuteur. Aussi, une situation qui s’est très souvent présentée est le cas de personnes vulnérables qui se sont vu délester de sommes considérables par quelques démarcheurs peu scrupuleux abusant de leur faiblesse. Face à l’inégalité de moyens entre une personne sous tutelle légale et une personne sous tutelle volontaire, le législateur japonais a résolu la question en modifiant son droit de la consommation et en assouplissant le droit de rétractation de l’acheteur.

Le Japon est ainsi régulièrement amené à adapter son arsenal juridique, afin de faire face à ses deux plus grands défis démographiques: le vieillissement de la population et la chute de la natalité. Le législateur japonais a, par exemple, récemment adapté son droit du travail pour élargir l’accès aux «congés soins» qui indemnisent un travailleur absent de son poste pour s’occuper d’un parent âgé blessé ou malade.