Le SECO a diffusé cet été son modèle de contrat-type de travail (CTT) pour la «prise en charge 24 heures sur 24» de personnes âgées ou malades. Oui, vous avez bien lu, en dérogation à toutes les règles de droit du travail, il est possible, en Suisse, d’occuper une personne jour et nuit pour l’assistance à une autre personne.
En fait, ce CTT est une tentative de réglementer une activité en plein développement. On estime à environ 10 000 le nombre de travailleuses qui fournissent une aide à domicile, nuit et jour, qui n’inclut toutefois pas les soins infirmiers. Leur profil type: des femmes de plus de 45 ans, en provenance de Pologne, de Hongrie ou de l’est de l’Allemagne. Selon un modèle bien rodé, elles habitent avec la personne dont elles s’occupent, pour une durée de deux à quatre semaines, puis rentrent au pays pendant qu’une collègue les relaie. Deux à quatre semaines plus tard, elles reviennent prendre leur place auprès de leur protégé. D’où le terme de «migrantes pendulaires». Ce tableau a été brossé l’an dernier par un rapport du Conseil fédéral, qui dénonce «le cadre légal lacunaire en matière de temps de travail, de présence et de repos» de cette activité, autrement dit «les conditions de travail extrêmement précaires» de ces femmes.
Mais pas question, pour autant, de mettre fin à cette pratique. Le modèle du SECO, que les cantons sont priés d’adopter d’ici à l’été 2019, prévoit certes une durée de travail hebdomadaire limitée à 44 heures, mais elle ne prend en compte que le «travail actif». Elle ne comprend pas le «temps de présence», pendant lequel la travailleuse est à la disposition de la personne âgée ou malade, jour et nuit. Le temps vraiment libre consiste en une pause de deux heures par jour et en un congé hebdomadaire d’un jour (24 heures) et d’une demi-journée (8 heures).
Mais comment rémunérer ce temps de présence, au cours duquel il faudra parfois répondre à une demande du patient? Le SECO propose une fourchette de 25% à 50% du salaire horaire, selon l’intensité de l’assistance. Se lever deux ou trois fois par nuit en moyenne ne donne droit qu’à la moitié de la rémunération due pour le «travail actif»! Les soignantes ont intérêt à avoir un sommeil facile… Le SECO note tout de même que «la prise en charge par une seule personne n’est pas raisonnablement exigible si elle doit se lever plusieurs fois par nuit pendant une période relativement longue»… Pour le reste, les CTT cantonaux de travail de l’économie domestique sont applicables.
L’aide aux personnes âgées est un marché qui ne cesse de croître, et des agences de placement s’en sont fait une spécialité. Certaines n’ont pas leur siège en Suisse, alors que ce n’est «pas autorisé juridiquement», note le rapport du Conseil fédéral. Apparemment, le processus engagé pour reprendre le contrôle de la situation n’en est qu’à ses débuts…