Au nom des victimes oubliées
À l’audience du 11 et du 12 janvier 2024, le plaidoyer sud-africain est mené par l’avocate irlandaise Blinne Ni Ghralaigh. Cette éminente spécialiste des droits humains a travaillé sur le dossier des Hooded Men, des victimes d’actes de torture commis par la police nord-irlandaise en 1971.
Dans son exposé, l’avocate qualifie l’action israélienne «de premier génocide diffusé en direct». Outre la force des paroles, c’est une symbolique parfaitement orchestrée qui se déploie et qui cristallise l’opposition entre une vision du crime contre l’humanité incarné par la Shoah et l’omission occidentale des victimes du colonialisme.
Des espoirs déçus
«La libération de l’Afrique du Sud de la tyrannie raciste et la réconciliation nationale qui a suivi sont le résultat de la lutte du peuple sud-africain et de l’action internationale promue par les Nations unies pendant près d’un demi-siècle.»
Certes, mais le quotidien du peuple sud-africain reste en dissonance avec ce discours idéaliste. Quelques réactions ont d’autant plus terni le lustre d’une nation unie et pluriethnique. Botha, qui a gouverné le pays dans ses heures les plus sombres, s’est offert le luxe de l’arrogance devant la Commission de vérité et de conciliation. Et les déclarations télévisuelles de Frederik De Klerk le 2 février 2020 illustrent le déni de la gravité des exactions commises: «Mais il faut faire attention à ce que nous appelons un crime. Un génocide est un crime contre l’humanité, pas l’apartheid.»
Aujourd’hui, la relance des enquêtes pénales sur les crimes de l’apartheid longtemps ralenties marque les défaillances passées des procédures judiciaires nationales. Ces exemples portent les stigmates d’un processus inachevé entravé par des arbitrages visant le maintien de la croissance économique du pays.
Intérêts stratégiques
Le soutien à la Palestine, partie intégrante de l’ADN sud-africain, a sans nul doute incité cette démarche, mais d’autres intérêts ont pesé dans la balance. Cette intervention en faveur de la Palestine sera saluée par les BRICS, notamment par l’Iran. À l’interne, l’ANC, consciente de l’importance de la communauté musulmane sud-africaine, risque de perdre sa majorité aux prochaines élections. Ces éléments ne font toutefois pas le poids face à l’enjeu central: l’introspection de la communauté internationale... et de l’Afrique du Sud.
Notes de bas de page voir PDF.
Par ordonnance du 26 janvier 2024, la Cour internationale de justice (CIJ) a partiellement admis la requête sud-africaine portant sur la mise en place de mesures conservatoires.