Le Tribunal fédéral a considéré que le droit consacré par la Constitution ne saurait équivaloir à un droit à la perception à l’aide sociale (ATF 136 I 254). Aussi l’article 12 Cst. répond-il à la couverture des «premiers besoins de base», soit la nourriture, le logement (hébergement collectif inclus), l’habillement et les soins médicaux de base. Un raisonnement permettant de justifier la suppression de l’aide sociale aux personnes sans permis de séjour qui perçoivent à titre d’aide d’urgence entre 8 et 12 francs par jour, soit environ 25% du montant de l’aide sociale. Quant à l’article 41 Cst., il ne s’agirait que d’une disposition programmatique. Le justiciable ne saurait donc en déduire aucun droit.
L’octroi de l’aide sociale est ainsi conditionné au titre de séjour et reste subsidiaire aux autres assurances sociales, comme le rappellent un récent arrêt et les différentes lois cantonales sur l’aide sociale, notamment l’article 3 de la loi sur l’action sociale vaudoise (LASV; BLV 850.051):
«L’aide financière aux personnes est subsidiaire à l’entretien prodigué par la famille à ses membres, aux prestations des assurances sociales et aux autres prestations sociales, fédérales, cantonales, communales ou privées.»
Effectivement, bénéficier de l’aide sociale ne saurait être considéré comme un droit. Ce qui est clairement mentionné sur la page du site internet du canton de Fribourg dénommée «Quelles sont les prestations sociales et comment obtenir de l’aide»: l’aide sociale est l’ultime filet de la sécurité sociale mais n’est toutefois pas un droit.
L’aide sociale pourrait tout aussi bien être supprimée si son bénéficiaire peut se prévaloir du versement anticipé d’avoirs de prestations de la prévoyance professionnelle. Le 1er février 2024, le Tribunal fédéral a prévu des cautèles à cette obligation imposée par certains services sociaux à leurs bénéficiaires. Selon les juges fédéraux, cette pratique ne saurait être admise si le risque de devoir faire appel une nouvelle fois à l’aide sociale est évident.
Dans ce cas, l’avoir de l’intéressé était effectivement insuffisant pour couvrir ses besoins jusqu’à l’âge ouvrant le droit à une retraite anticipée. Cet arrêt (TF 8C_333/2023) ainsi que d’autres jugements antérieurs interrogent sur des usages où les principes de maintien de la prévoyance professionnelle et de subsidiarité de l’aide sociale s’opposent.
Dans son Message concernant la loi fédérale sur les prestations transitoires pour les chômeurs âgés, le Conseil fédéral admet un remboursement de l’aide sociale au détriment des futurs retraités: «En principe, à partir de 60 ans pour les hommes et de 59 ans pour les femmes, il est possible d’opérer un retrait de la prestation de libre passage pour […] rembourser des prestations perçues de l’aide sociale. Plus tard, lorsque ce capital est épuisé, les PC à l’AVS prennent le relais pour couvrir les besoins vitaux.» Et l’Administration fédérale est peu amène à intervenir dans un domaine de compétence cantonale (art. 3 et 115 Cst.). La réponse du Conseil fédéral à la motion «Non au détournement des avoirs de la prévoyance professionnelle» s’en fait l’écho.
Les jurisprudences précitées sont également symptomatiques de pratiques cantonales très diverses parfois en contradiction avec des enjeux nationaux, voire internationaux. Or, des critiques concernant l’absence de cadre légal fédéral prévoyant des exigences minimales pour répondre aux standards prévus dans des conventions internationales ont déjà été émises.
Pour ce qui est des personnes privées d’aide sociale, leur sort interpelle quant au droit à la dignité humaine et aux droits de l’enfant.
Autant d’interrogations qui devraient amener le législateur à repenser le droit de l’aide sociale. ❙
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