Ce qui nous intéresse donc ici, c’est, d’une part, le type d’autorisations de séjour qui peuvent être envisagées pour ces jeunes, et, d’autre part, leur accès à la formation et à son financement, en particulier sous l’angle du droit aux bourses d’études.
On notera aussi que sauf situation de dépendance particulière, dont la dépendance économique ne semble pas faire partie2, le droit des enfants devenus majeurs ne peut plus entraîner de droit dérivé pour les parents.
Des ressortissant·e·s de l’UE
Pour les ressortissant·e·s d’un pays de l’UE, l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP)3, comme lex specialis, s’applique en lieu et place de la loi sur les étrangers et l’intégration (LEI). En préambule, on peut noter que, pour les personnes qui y sont soumises, le regroupement familial peut se faire au-delà de la majorité, puisqu’il est possible jusqu’à 21 ans ou même au-delà, si l’enfant reste dépendant de ses parents, par exemple parce qu’il est en formation. En dehors de cette conception large du regroupement familial, il faut se pencher sur d’autres possibilités qu’offrent les accords et qui fondent des droits propres pour les jeunes. Conformément aux art. 6 et 24 Annexe I ALCP, toute personne bénéficiaire des accords peut s’installer dans n’importe quel pays signataire pour autant que ses ressources soient suffisantes. Un enfant européen, mineur ou majeur, peut donc invoquer son droit propre à la libre circulation4. Le TF a peu à peu défini les contours de la notion de condition financière, à savoir que les ressources de l’enfant pouvaient émaner de l’activité de tiers5 ou être obtenues alors que le parent n’était pas au bénéfice d’une autorisation de travail6. Il a aussi précisé que les ressources sont considérées comme suffisantes même si la famille bénéficie des subsides d’assurance-maladie7. Une bourse d’études est une ressource propre à prendre en compte (art. 23 OASA) et ne devrait donc pas non plus être considérée comme une prestation d’aide sociale8. On précisera qu’il n’était pas nécessaire que la personne ait fait usage de la libre circulation. Elle peut donc être née en Suisse et invoquer la libre circulation9.
On ne saurait toutefois pas omettre que l’exigence principale pour l’application de cette jurisprudence reste l’autonomie financière. Une autre disposition (l’art. 3 al. 6 cum art. 4 annexe 1 ALCP) offre aussi un droit de séjour propre à un·e jeune en formation. Il s’agit du droit de demeurer de l’enfant d’un travailleur. Dans son arrêt Baumbast10 du 17 septembre 2002, la CJCE précise que «les enfants d’un citoyen de l’Union européenne qui se sont installés dans un État membre alors que leur parent exerçait des droits de séjour en tant que travailleur migrant dans cet État membre sont en droit d’y séjourner afin d’y poursuivre des cours d’enseignement général». Comme il s’agit d’un droit des travailleurs, la condition d’indépendance économique ne s’applique pas11. Dans un arrêt du 12 avril 200512, le TF se réfère à cette jurisprudence, mais renonce à l’application du droit de demeurer de l’enfant dans le cas d’espèce, estimant que l’école enfantine ne fait pas partie de l’enseignement général traité par le droit européen13. Un mois plus tard, s’agissant d’un enfant allemand en apprentissage, le TF estime que l’enfant doit être autorisé à terminer sa formation et demeurer en Suisse, comme membre de la famille d’un travailleur14. Cette possibilité, toujours absente des Directives OLCP15, a été confirmée dans plusieurs arrêts concernant le droit de demeurer propre d’enfant entrant dans l’adolescence16.
Cependant, selon le TF, les enfants d’un·e ressortissant·e de l’Union européenne qui ont bénéficié du regroupement familial au moment où un parent avait la qualité de travailleur·euse ont le droit de terminer leur formation dans leur État d’accueil, lorsque l’on ne peut raisonnablement pas exiger d’eux qu’ils retournent dans leur pays d’origine17. Cette restriction au droit de séjourner des enfants ne trouve à notre sens aucun fondement dans l’ALCP, dont le but était de favoriser la migration des travailleurs et de leur famille en garantissant la stabilité dans leur projet de vie migratoire. Tel est le cas, notamment, du droit des enfants de rester dans le pays d’accueil pour terminer leur formation. Il n’était nullement question de limiter ce droit à des cas de rigueur.
Une piste peut encore être explorée pour les apprenti·e·s européen·ne·s. En effet, l’apprentissage comporte une partie formation mais constitue aussi un contrat de travail18. La qualification du contrat d’apprentissage comme contrat de travail résiste aussi à un examen sous l’angle de l’ALCP. L’arrêt Trojani de la CJCE du 7 septembre 2004 précise: «Ainsi que la Cour l’a jugé, la notion de «travailleur», au sens de l’article 39 CE, revêt une portée communautaire et ne doit pas être interprétée de manière restrictive». Le Tribunal fédéral a repris cette définition large du travail, rappelant que l’existence de trois conditions suffit pour qu’une personne puisse être considérée comme une travailleuse: existence d’une prestation de travail, d’un lien de subordination et d’une rémunération19. Il ne fait aucun doute que ces trois conditions sont remplies dans le cadre du présent contrat d’apprentissage20.
Si on admet que l’apprentissage puisse fonder la qualité de travailleur·euse, reste que ce n’est qu’après la période d’installation d’une année (art. 24 al. 3 annexe 1 ALCP) que les travailleurs ne sont plus soumis à l’exigence de l’autonomie financière. Par conséquent, un·e apprenti·e doit avoir été en activité et autonome financièrement au moins pendant une année avant d’entamer sa formation pour se prévaloir de sa qualité de travailleur pour vivre en Suisse, malgré une insuffisance de ressources. C’est dans cette direction que semble d’ailleurs aller le Tribunal cantonal vaudois dans deux arrêts de 2017 et 2018 en distinguant deux situations. Primo, celle d’une personne ayant travaillé en Suisse plusieurs années et qui garde sa qualité de travailleur en entamant un apprentissage21. Secundo, celle d’une personne venue en Suisse et y commençant un apprentissage durant sa période d’installation, dont on peut exiger qu’elle remplisse des conditions de ressources22.
Des ressortissant·e·s d’États tiers
Les personnes qui ne peuvent se prévaloir de l’ALCP sont soumises à la LEI et ne peuvent pas – à moins de présenter un profil très spécialisé – accéder au marché du travail suisse (art. 18 ss. LEI). Il leur est par contre théoriquement possible de venir en Suisse comme personnes sans activité lucrative afin d’y suivre une formation pour autant que leurs ressources soient suffisantes23. Cette possibilité, qui ne constitue pas un droit pour la personne, est toutefois très limitée, l’administration en faisant un usage restrictif24. Les conditions sont en principe les suivantes25: être au bénéfice d’une formation dispensée par une école reconnue26, être âgé de moins de 30 ans, disposer des capacités de suivre l’enseignement, des ressources suffisantes et garantir un départ à la fin du cursus27. Le cursus doit, en sus, être achevé dans un délai raisonnable, soit en principe huit ans. La jurisprudence a eu l’occasion de nuancer certaines de ces exigences, sans que cela ait entraîné de modification ni de l’OASA, ni des Directives. Dans un arrêt du 19 juillet 202128, le TAF a estimé le refus d’approbation du SEM inopportun, puisque le léger dépassement prévu des huit années pour l’obtention du master était excusable en raison de problèmes de santé. Dans un autre arrêt du même mois, le TAF29, se référant à un récent arrêt du TF30, a aussi remis en question la limite jusqu’ici admise des 30 ans, dans un dossier concernant un étudiant en master iranien: «le refus d’octroyer une autorisation de séjour pour études à un recourant de plus de 30 ans violait l’interdiction de discrimination, ancrée à l’art. 8 al. 2 Cst., en tant qu’il se fondait de manière déterminante sur l’âge de l’intéressé». Dans un arrêt du 14 octobre 201531 concernant un ressortissant syrien, le TAF a considéré que bien que les parents du requérant aient obtenu un visa humanitaire qui tendait à laisser penser que l’exécution du retour serait difficile, rien n’excluait que la situation s’améliore, et que, en tout état de cause, le jeune homme, étudiant brillant, pourrait sans doute prétendre à une autorisation de séjour comme spécialiste à la fin de ses études32.
Ce dernier arrêt montre bien une tension entre deux visions contradictoires de l’intérêt collectif supposé de la Suisse: d’une part, les Directives priorisent la lutte contre une pression migratoire qui pourrait s’exercer par l’installation en Suisse d’étudiant·e·s et, d’autre part, la volonté d’attirer ou de garder en Suisse des talents formés en Suisse. Cette deuxième option a été défendue avec succès par l’initiative parlementaire Neirynck, qui a mené à la modification de l’article 21 LEI, en permettant la recherche d’emploi pendant six mois dès la fin de la formation et l’embauche des personnes diplômées en Suisse.
Pour les ressortissant·e·s d’État tiers qui auraient déjà vécu en Suisse avant de commencer leur formation, il faut encore mentionner la possibilité d’obtenir une autorisation de séjour en application de l’article 8 CEDH, qui protège la vie familiale mais aussi la vie privée33, ainsi qu’en application de l’article 30 al. 1 let. b LEI (dit permis humanitaire), qui permet de tenir compte des cas individuels d’extrême gravité. Ces deux dispositions, qui se confondent fréquemment dans leur champ d’application, permettent de prolonger ou régulariser un séjour dans des situations présentant une situation de détresse particulière34. Une adolescence passée en Suisse ainsi que les formations entreprises sont déterminantes, selon la jurisprudence, même si de nombreux arrêts tendent à souligner que des années en séjour provisoire comme des années de permis pour études ou des années sans statut légal sont des durées à relativiser35. Un recours a néanmoins été jugé recevable et une autorisation de séjour admise36 sur la base de l’art. 8 CEDH, malgré un refus cantonal, pour un jeune Russe de 25 ans, arrivé en Suisse avec sa mère sous une fausse identité à l’âge de 10 ans. La mère avait été arrêtée alors qu’il n’avait que 15 ans et emprisonnée en Russie. Le jeune est resté en Suisse avec un curateur, mais, suite à l’échec de ses examens à l’EPFL, son permis n’avait plus été renouvelé et le jeune homme avait poursuivi son séjour de manière illégale en travaillant et en tentant de se former. Dans le même ordre d’idée, la levée d’une admission provisoire a été jugée comme disproportionnée (art. 5 al. 2 Cst. et art.96 LEI) pour un jeune Érythréen en apprentissage d’électricien arrivé en Suisse alors qu’il était mineur37.
Afin de tenir compte du droit à la formation tel que nous le développerons plus avant pour les jeunes sans papiers, l’art. 30a OASA précise, depuis 2013, qu’il est possible pour un jeune sans statut légal d’obtenir une autorisation de séjour et de travail pour suivre une formation professionnelle initiale, pour autant qu’il ait suivi au moins cinq années de scolarité en Suisse. Il n’en reste pas moins qu’il ne s’agit pas là d’un droit, que le pouvoir de l’administration est très important, et, comme l’ont montré le bilan de l’opération de régularisation Papyrus à Genève ainsi que les statistiques fédérales, que des différences de traitement immenses existent d’un canton à l’autre38, sur toutes les formes de régularisation.
Le droit de se former
En 1997, la Suisse ratifiait la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CDE) et reconnaissait ainsi un droit fondamental à l’éducation pour tous les enfants39, indépendamment de leur statut de séjour. En vue d’assurer l’exercice de ce droit, elle s’engageait en particulier à rendre l’enseignement primaire obligatoire gratuit (art. 28 al. 1 let. a CDE). Ce droit à une éducation de base est également inscrit dans la Constitution fédérale à l’art. 19 Cst. Toutefois, ce sont les cantons qui sont compétents en matière d’enseignement (art. 62, al. 1, Cst.). La Constitution ne contient pas de prescriptions précises sur la durée de la scolarité obligatoire, mais la doctrine et les législations scolaires cantonales partent du principe que les enfants sont scolarisés de 4 (ou 6) ans jusqu’à l’âge de 16 ans40. Ainsi, les jeunes migrants·e·s peuvent invoquer un droit individuel à un enseignement de base jusqu’à leur seizième anniversaire indépendamment de leur statut de séjour41.
En ce qui concerne la formation postobligatoire, certains traités internationaux tels que le Pacte I international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (art. 13) mentionne le droit à une formation secondaire ou professionnelle et, par conséquent, une extension du droit à un enseignement de base. Cela étant, la formulation reste trop vague pour conférer aux jeunes entre 16 et 18 ans un droit individuel opposable. À cet égard, le Tribunal fédéral a rappelé dans un récent arrêt que le droit à un enseignement de base ne peut être invoqué après la majorité, même si les enfants n’ont pas reçu une éducation suffisante au cours de leur enfance (TF 2C_892/2018)42. Le système n’est donc pas adapté pour les jeunes migrant·e·s intégrant le système scolaire à un âge avancé, puisqu’il n’est pas prévu de tenir compte des trajectoires de vie de ces enfants, ni des circonstances ayant rendu l’accès à un enseignement de base impossible.
Nombre d’entre eux seront également amenés à intégrer des mesures de transition mises en place par les cantons en vue d’encourager leur insertion professionnelle43. En effet, pour cette catégorie de personnes exclues de la scolarité obligatoire, sans formation de base, qui ne maîtrisent en outre parfois pas suffisamment bien la langue locale pour commencer une formation professionnelle initiale ou intégrer une formation générale de degré II, l’accès à ces mesures constitue l’unique moyen d’intégration au marché du travail. Or, il peut être observé que le soutien financier de la Confédération (le SEM) envers les cantons n’est pas homogène et que, en conséquence, de grands écarts subsistent quant aux offres de formation transitoire réservées aux personnes ayant immigré tardivement44. Là encore, l’égalité des chances vis-à-vis de leur futur professionnel est compromise.
L’accès réel à la formation: le financement
Comme l’attestent un bon nombre de travaux de recherche, l’origine sociale d’une personne reste de loin le facteur ayant la plus grande influence sur les chances de réussite d’un cursus de formation. Grâce aux aides publiques à la formation, il est néanmoins possible de diminuer cette influence et c’est en ce sens que les bourses d’études visent à garantir aux jeunes l’accès à leurs filières de formation, en dépit des éventuelles difficultés financières de la famille et favoriser l’égalité des chances.
L’art. 66 al. 1 Cst. prévoit que la Confédération peut accorder des contributions aux cantons pour l’octroi d’aides à la formation destinées aux étudiant·e·s des hautes écoles et autres institutions d’enseignement supérieur, mais l’attribution des bourses et des prêts d’études (degré secondaire II compris) reste de la compétence exclusive des cantons. Outre un financement fédéral, l’attribution reste de compétence cantonale. Dans le canton de Vaud, la loi vaudoise du 1er juillet 2014 sur l’aide aux études et à la formation professionnelle (LAEF) fixe les conditions d’octroi. Eu égard à ce fédéralisme, les cantons ont harmonisé leurs pratiques dans le cadre de l’Accord intercantonal sur l’harmonisation des régimes des bourses d’études en 2009 (A-RBE). Nous verrons maintenant comment la garantie de financement de la formation postobligatoire est intimement liée au statut de séjour du requérant. Tout d’abord, s’agissant des étudiant·e·s non européens séjournant en Suisse dans le seul but de poursuivre une formation, l’art. 5 al. 2 de l’accord intercantonal prévoit qu’aucune aide de l’État ne peut leur être accordée. Cette disposition découle du fait que ces personnes ne sont pas réputées être domiciliées en Suisse et que l’autorisation de séjour à des fins de formation suppose que la personne en formation dispose des moyens financiers nécessaires à la poursuite de ladite formation (art. 27 LEI).
Les ressortissant·e·s de l’UE (qui bénéficient du principe de non-discrimination), les titulaires d’un permis C, les réfugiés et les apatrides ont, quant à eux, la qualité d’ayant droit selon l’art. 8 LAEF. Pour les titulaires d’un permis B non UE, une durée minimale de cinq ans en Suisse est exigée45. Dans le canton de Vaud, depuis la révision de la LAEF en 2014, les personnes admises à titre provisoire qui ne sont pas reconnues comme réfugiées sont exclues du soutien des bourses, sauf si les parents sont financièrement autonomes de l’aide sociale46. Or, l’aide financière accordée par la bourse est plus favorable que celle octroyée selon l’aide sociale appliquée par l’EVAM47. Seule l’autonomie financière des parents48 peut permettre d’accéder aux bourses d’études, ce qui est en soi parfaitement paradoxal, puisque, précisément, l’aide à la formation a habituellement pour objectif de pallier l’absence de ressource suffisante des parents.
Le champ d’application personnel est ensuite complété par l’exigence d’un domicile déterminant pour les parents. Est considéré comme indépendant au sens de la LAEF le ou la requérant·e qui a exercé une activité pendant au moins deux ans dans le canton après avoir acquis une première formation donnant accès à un métier49. À noter que l’exercice d’une activité professionnelle assurant l’indépendance financière durant quatre ans est assimilée à une première formation (art. 28 al. 3 LAEF). Ainsi, le jeune qui aura travaillé durant six ans sans interruption à la suite de l’école obligatoire sera considéré comme indépendant au sens de la LAEF. Les autres étudiant·e·s bénéficiaires d’une bourse resteront considéré·e·s comme dépendant·e·s de leurs parents, et ce peu importe leur âge. Le domicile des parents déterminera le canton compétent pour l’octroi de la prestation. L’enjeu devient alors complexe lorsque le parent de nationalité étrangère souhaite regagner son pays d’origine et envisage de laisser son enfant en formation en Suisse. Pour ces jeunes, aucune possibilité de maintien de l’allocation étatique suisse ne peut être envisagée, et il faudrait se retourner vers d’éventuelles aides en provenance du nouveau pays de domicile des parents, dont on peut a priori douter qu’elles permettent de faire face aux coûts de la formation en Suisse. Pour les jeunes dont les parents ont quitté la Suisse se posera aussi la question des allocations familiales, puisque, là aussi, le lieu de travail et le domicile des parents sont déterminants, et les montants payés sont habituellement inférieurs à ce qui est pratiqué en Suisse.
Conclusion
Formation, migration et financement sont au cœur de nombreuses questions fondamentales comme la liberté de circulation des personnes, la tendance à la mondialisation du développement du savoir et de la formation, mais aussi l’intégration, la protection de la vie privée ou encore les cercles des solidarités publiques à mettre en place pour assurer l’aide sociale ou l’égalité des chances dans la formation. L’avant-projet du CF du 26 janvier 2022, actuellement en consultation, concernant des modifications de la LEI, qui vise à limiter l’accès à l’aide sociale aux ressortissant·e·s d’États tiers contient – en dehors de nombreux points problématiques que nous ne développerons pas ici – deux constats intéressants qui nous permettent de conclure la présente contribution en nous projetant dans des modifications que nous appelons de nos vœux.
D’une part, le CF souligne l’importance d’une valorisation de la formation dans la mesure où cet élément est équivalent à une prise d’emploi lors de l’examen des critères d’intégration des personnes admises provisoirement qui demandent à bénéficier d’un permis B50. D’autre part, le DFJP soutient que «les enfants ne sont pas responsables de la situation financière de leurs parents51». Ces intentions réunies nous conduisent à estimer nécessaire d’accorder un accès aux bourses d’études à tou·te·s les jeunes domicilié·e·s en Suisse, indépendamment d’une éventuelle aide sociale perçue par leurs parents. ❙
1 Frick Claudia, Gafner Magalie, Le regroupement familial inversé, in:plaidoyer 2/2021 pp. 28-33.
2 L’existence d’un rapport de dépendance entre parents et enfants majeurs dépend étroitement des circonstances (ATF 140 I 77). Un rapport de dépendance psychologique a été admis pour un père étranger envers sa fille de nationalité suisse, souffrant de graves troubles du comportement. Arrêt du TF 2C_942/2010 du 27 avril 2011 c. 2.4. En revanche, des difficultés économiques ou d’autres problèmes d’organisation ne rendent en principe pas irremplaçable l’assistance de proches parents. Arrêt du TF 2C_471/2019 et 2C_474/2019 du 25 septembre 2019 et arrêts cités. Voir aussi l’arrêt de la CourEDH I.M. c. Suisse du 9 avril 2019, requête n° 23887/16. La situation d’un jeune majeur en formation vivant avec son père adoptif suisse a été traitée sous l’angle du cas de rigueur par le Tribunal cantonal vaudois et non sous l’angle d’une dépendance familiale particulière. Arrêt CDAP du 29 septembre 2021 (PE.2021.0004).
3 En particulier, Directives OLCP, point 8 OLCP Séjour sans activité lucrative.
4 Arrêts du TF 2C_574/2010 du 15 novembre 2010 ou 2C_743/2017 du 15 janvier 2018. Arrêt de la CJCE du 19 octobre 2004 C-200/02 Zhu et Chen, Rec. 2004 I-09925.
5 ATF 135 II 265.
6 ATF 144 II 113. Arrêt de la CJUE du 2 octobre 2019 C-93/18 Bajratari, destiné à la publication au Recueil.
7 Arrêt du TF 2C_987/2019 du 8 juillet 2020.
8 Voir notamment commentaires normes CSIAS qui font des bourses d’études des ressources propres à prendre en compte au moment de l’examen de la subsidiarité. État novembre 2021.
9 Arrêt du TF 2C_943/2015 du 16 mars 2016. Arrêt du TAF F-826/2015 du 16 mars 2017. Dans le même sens, arrêt de la CJUE C-93/18 du 2 octobre 2019.
10 Arrêt de la CJCE C-413/99 du 17 septembre 2002 Baumbast et R, Rec. 2002 I-07091.
11 Art. 9 al. 2 annexe 1 ALCP. Voir aussi Directives OLCP (p. 86, ch. 8.4.4.1), version janvier 2022: «D’une manière générale, le manque de moyens financiers ne constitue pas, à lui seul, un motif suffisant pour adopter des mesures visant à la protection de la sécurité et de l’ordre publics».
12 Arrêt du TF 2A.130/2005 du 12 avril 2005, ATF 139 II 393.
13 Cette jurisprudence pourrait être revisitée, puisque dans l’intervalle le Concordat HarmoS est entré en vigueur (2009) et prévoit une entrée obligatoire à l’école enfantine dès l’âge de 4 ans.
14 Arrêt du TF 2A.475/2004 du 25 mai 2005.
15 Directives OLCP (p. 83, ch. 8.3), version janvier 2022.
16 Arrêt du TF 2C_673/2019 du 3 décembre 2019. Voir aussi arrêt du TF 2C_997/2015 du 30 juin 2016 pour une enfant lettone de 11 ans née en Suisse dont le droit de demeurer a aussi été admis. Arrêt du TF 2C_815/2020 du 11 février 2021 pour un enfant de 13 ans ayant besoin d’un enseignement spécialisé.
17 ATF 139 II 393 c. 4.2.
18 Art. 344 ss. CO. Voir aussi art. 30 al. 1 let. b LEI et 30a OASA. Commentaire de février 2012 intitulé: adaptation de l’OASA en raison de la mise en œuvre de la motion Barthassat (08.3616) «Accès à l’apprentissage pour les jeunes sans statut légal.»
19 TF 131 II 339.
20 oncernant la question de la formation professionnelle, la CJCE a, dans l’arrêt du 19 novembre 2002 C-188/00, Kurz Rec. 2002 I-10691, jugé qu’une personne «qui accomplit des périodes d’apprentissage dans une profession, lesquelles peuvent être regardées comme constituant une préparation pratique liée à l’exercice même de la profession en cause, doit être considérée comme un travailleur».
21 Arrêt de la CDAP du 18 décembre 2017 (PE.2017.0327) concerne un ressortissant espagnol venu travailler en Suisse qui, après quatre ans, perd son emploi, et commence un apprentissage. L’arrêt précise: «La doctrine déduit de l’art. 7 let. a ALCP (droit à l’égalité de traitement avec les nationaux ) […] que des personnes ayant exercé une activité lucrative avant d’entreprendre une formation doivent être considérées comme des travailleurs (même si elles ont cessé toute activité), à condition qu’il existe une continuité entre l’activité lucrative économique antérieure et la formation entreprise ou que le travailleur ait involontairement perdu son travail et se voie contraint d’entreprendre une formation. […] Certes, le salaire que le recourant perçoit durant sa formation […] – est insuffisant pour faire vivre sa famille sans avoir recours à l’aide sociale. Il ressort toutefois du dossier que le recourant pourra obtenir une bourse d’études en cas d’octroi d’une autorisation de séjour. [...] il convient d’admettre que le recourant a conservé la qualité de travailleur au sens de l’ALCP.»
22 Arrêt de la CDAP du 5 mars 2018 (PE.2015.0295). Ressortissant français venu en Suisse à l’âge adulte sans ses parents pour travailler. Travaille six semaines, puis commence un apprentissage.
23 Peut être comptée dans les ressources une activité qui ne peut être qu’accessoire, soit au maximum quinze heures hebdomadaires (art. 38 OASA).
24 Directives LEI (état au 1er nov. 2021): «Vu le grand nombre d’étrangers qui demandent d’être admis en Suisse en vue d’une formation ou d’une formation continue, les conditions d’admission fixées à l’art. 27 LEI […] doivent être respectées de manière rigoureuse. Il y a lieu de tout mettre en œuvre pour empêcher que les séjours autorisés au motif de formation ou de formation continue ne soient exploités de manière abusive» (ch. 5.1).
25 Art. 27 LEI, art. 23 ss. OASA, Directives LEI, ch. 5.1.
26 Si la personne est déjà au bénéfice d’une première formation acquise dans son pays d’origine. La formation qu’elle envisage d’accomplir en Suisse dans l’optique d’un perfectionnement professionnel constituant un prolongement direct de sa formation de base sera prise en considération.
Tel n’est pas le cas d’une jeune Algérienne déjà au bénéfice d’une licence en français qui souhaitait s’inscrire en master à Genève sans pouvoir justifier de la plus-value de cette formation (arrêt du TAF C-7294/2010 du 7 mars 2012).
27 irective LEI (ch. 5.1.1.1): «Si le requérant provient d’une région vers laquelle il serait difficile voire impossible de procéder à un rapatriement sous contrainte, les exigences doivent être relevées en conséquence».
28 Arrêt du TAF F-3968/2020 du 19 juillet 2021. A contrario: refus d’approuver une prolongation de séjour pour une étudiante camerounaise qui souhaitait faire un master en administration publique après avoir séjourné dix ans en Suisse pour son bachelor à la HEIG. Arrêt du TAF C-1746/2015 du 1er octobre 2015.
29 Arrêt du TAF F-689/2021 du 30 juillet 2021.
30 TF 147 I 89 c. 2.9.
31 Arrêt du TAF C-6173/2014 du 14 octobre 2015.
32 À l’inverse, le risque d’un non-retour à la fin de la formation d’esthéticienne d’une jeune Congolaise a motivé une fin de non-entrée en matière. Dans l’arrêt du TAF C-4995/2011 du 2 mai 2012, les juges précisent notamment que cette formation ne lui ouvrirait pas la voie vers une admission facilitée sur le marché du travail au sens de l’actuel art. 21 al. 3 LEI.
33 TF 144 I 266. Droit à protection de la vie privée admis pour un ressortissant argentin ayant vécu en Suisse dix ans, sans enfant et parfaitement intégré. Pour la jurisprudence déjà ancienne de la CourEDH, voir: l’arrêt Niemietz c. Allemagne du 16 décembre 1992, ou l’arrêt Chorfi c. Belgique du 27 juin 1994, ou encore Castello-Roberts c. Royaume-Uni du 23 mars 1993. Plus récemment, arrêt de la CourEDH I.M. c. Suisse du 9 avril 2019, requête n° 23887/16.
34 Panorama (journal de l’ODAE romand), n° 2, «Sans-papiers en Suisse romande, les travailleur·ses de l’ombre», décembre 2021, odaeromand.ch/.
35 Arrêt du TF 2C_647/2016 du 2 décembre 2016. Les juges fédéraux estiment conforme au droit le renvoi de deux adolescents mineurs au motif qu’«[…] il ne ressort pas de l’arrêt attaqué que C.X. et D.X. auraient entrepris des études ou une formation professionnelle initiale en Suisse, par exemple un apprentissage […]. Par ailleurs et de manière plus générale, tenir compte du long séjour des enfants reviendrait à encourager la politique du fait accompli.» Voir aussi arrêt d’irrecevabilité du TF 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 concernant un étudiant arrivé à 14 ans et ayant séjourné en Suisse six ans, dont on estime que les années passées dans l’illégalité ou au bénéfice de la tolérance sont à relativiser.
36 Arrêt du TF 2C_670/2020 du 28 décembre 2020.
37 Arrêt du TAF E-3822/2019 du 28 octobre 2020.
38 Rapport du Conseil fédéral, Pour un examen global de la problématique des sans-papiers, décembre 2020.
39 Par «enfant», on entend, au sens du droit suisse de la famille et de la Convention relative aux droits de l’enfant, tout être humain âgé de moins de 18 ans.
40 Onze ans de scolarité obligatoire selon le Concordat HarmoS (2007) ayant pour l’heure quinze cantons signataires. Voir aussi Biaggini, BV Kommentar, titre 3, no 6 ad art. 62.
41 Demeure réservé le cas des personnes handicapées auxquelles la Constitution confère un droit à une formation spéciale suffisante jusqu’à l’âge de 20 ans (art. 62 al. 3 Cst. et 20 al. 2 LHand).
42 RDAF 2021, p. 239.
43 ans distinction quant aux permis de séjour, les jeunes ressortissants étrangers représentaient, en 2015, 40% des effectifs des offres transitoires. Cf. Landert, C., Eberli, D.: Solutions transitoires au moment de la transition I – État des lieux, Zurich, 2015.
44 Adolescents et jeunes adultes arrivés tardivement en Suisse: état des lieux au niveau de la transition I. Rapport final sur mandat du Secrétariat général de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (SG CDIP), Berne, 2019.
45 Ce délai d’attente n’a pas été considéré comme contraire à l’art. 8 Cst. Arrêt du TF 2C_656/2019 du 29 août 2019.
46 Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), autorité compétente pour délivrer l’aide sociale aux personnes admises à titre provisoire selon la loi sur l’aide aux requérants d’asile et à certaines catégories d’étrangers (LARA).
47 Concrètement, le forfait entretien pour l’étudiant de l’EVAM s’élève à Fr. 387.50 (plus un montant pour le loyer variant selon la composition du ménage et la région, de l’ordre de Fr. 500.–) contre Fr. 1525.– de charges reconnues pour un·e étudiant·e bénéficiaire d’une bourse avec deux parents. De même, les frais de repas à l’extérieur ainsi que les frais d’écolage ne sont pas expressément prévus par le Guide d’assistance. Les frais de formation et d’entretien de ces étudiant·e·s sont considérés comme des prestations supplémentaires destinées à la couverture de charges particulières et ne sont ainsi pas expressément prévus pour la formation (art. 42 LARA). Par ailleurs, même dans l’hypothèse où les conditions prévues aux art. 130 et 131 du Guide d’assistance seraient réunies, le requérant ne peut prétendre à l’existence d’un droit.
48 Sur ce point, on peut souligner que l’acquisition de l’autonomie financière des parents est entravée par l’impossibilité d’accéder aux subsides tant que l’on est dépendant de l’EVAM (art. 14 LARA) malgré l’art. 5b de l’ordonnance 2 sur l’asile relative au financement (OA 2; RS 142.312), qui précise qu’après une durée de sept ans sur le territoire, un octroi de subside devrait être accordé.
49 C’est-à-dire un titre provenant d’écoles professionnelles, de métiers et de maturité professionnelle. Contrairement au diplôme de maturité gymnasiale, qui ne peut pas être considéré comme un titre professionnalisant.
50 Exposé des motifs p. 14 ad art. 84 al. 5 LEI
51 Ibid. p. 11 en lien avec le fait qu’une exclusion de la naturalisation des enfants en cas d’aide sociale des parents n’a pas été retenue.