Le plagiat ne date pas d’hier. A l’origine de ce mot, on trouve d’ailleurs la racine grecque «plagios», signifiant «oblique, fourbe». Deux adjectifs qui caractérisent bien l’état d’esprit de la personne qui n’hésite pas à piller les textes d’un auteur pour s’en attribuer indûment des passages de son œuvre, commettant ainsi un plagiat. A l’heure d’internet, plus que jamais, le monde universitaire est confronté aux multiples facettes, plus ou moins élaborées, mais toujours perverses, du «copier-coller», sans mention des sources.
Largement médiatisée ces derniers mois, l’affaire du professeur de sciences économiques, accusé de «plagiat par négligence» à l’Université de Neuchâtel, a souligné l’importance de la mise en place de règles d’intégrité académique. En deux mots, ce professeur a été sanctionné pour avoir truffé d’extraits de rapports, non référencés, un livre publié en 2006, intitulé «La Suisse qui gagne». Qui plus est, une tierce personne, chargée de rédiger la version finale de cet ouvrage, aurait supprimé une centaine de notes de bas de page, détail qui aurait échappé à la vigilance des auteurs. Discutable, la notion même de «plagiat par négligence» a ainsi révélé la faiblesse du dispositif antifraude académique de l’Université de Neuchâtel. Une maille dans le filet sur le point d’être réparée: «Nous avons un projet de réglementation relative au respect de l’intégrité scientifique qui est en cours d’adoption, annonce Pascal Mahon, vice-recteur. Le respect ou l’irrespect de celle-ci sera instruit et jugé par une commission qui sera composée de membres externes à l’Université, qui la présideront, ainsi que de membres internes.»
A Genève
Cette nouvelle réglementation ainsi que la mise en place d’une instance d’instruction extérieure s’inscrivent dans la droite ligne des mesures de prévention déjà prises par l’ensemble des autres établissements universitaires et des hautes écoles de Suisse romande. A commencer par l’Université de Genève, qui s’est dotée de moyens importants pour, à la fois, sensibiliser et former les étudiants et les enseignants à la problématique du plagiat. Une lecture attentive des mesures prises par Unige a l’avantage de clarifier la notion même de plagiat. Elles reposent sur quatre axes. Le premier porte sur la formation des étudiants et le développement de leurs «compétences informationnelles». L’Unige précise: «Les pratiques frauduleuses adoptées par les étudiants en matière de citations ou de rédaction de travaux proviennent d’un manque d’information, d’une incompréhension concernant les attentes de l’Université et d’un manque de préparation à l’usage d’internet qui s’est développé plus rapidement que la formation à son emploi. Il convient donc de clarifier les attentes des enseignants à l’égard des étudiants quant à leurs productions écrites, et cela dès leur arrivée à l’Université.» Un document est distribué à chaque nouvel étudiant et les facultés sont invitées à introduire une formation aux compétences «informationnelles» dans le cursus du baccalauréat académique, de préférence en première année.
Deuxième axe, la formation et l’information des enseignants: l’Unige a mis en place des mesures d’accompagnement destinées à ceux qui sont appelés à engager une procédure en matière de fraude, de triche ou de plagiat, pour pallier les problèmes que peut engendrer une dénonciation. Troisième axe, l’utilisation d’outils et de détection des similarités. L’Unige propose, en particulier, l’utilisation d’un logiciel qui évalue le pourcentage du document qu’on retrouve sur internet ainsi que les sources pour chaque passage copié. Quatrième axe, enfin, les responsabilités et les dispositions réglementaires. Le rectorat de l’Unige a adopté une directive, datée du 25 octobre 2011, stipulant notamment que «le plagiat et la tentative de plagiat constituent des infractions graves à l’éthique de l’Université et à l’intégrité de la recherche».
A Lausanne
A l’Université de Lausanne, le code de déontologie en matière d’emprunts, de citations et d’exploitation de sources diverses est tout aussi explicite: «Le plagiat, la fabrication et la falsification des résultats sont unanimement considérés comme des fautes graves, passibles de sanctions de la part de l’UNIL, voire de poursuites pénales.» Leur pratique est incompatible avec la charte de l’UNIL qui «vise à produire et à transmettre des savoirs validés par des mécanismes collectifs de vérification, qui impliquent à la fois honnêteté, indépendance, interdisciplinarité, débat et transparence».
Précisons encore que les étudiants de l’UNIL suivent, au début de leur cursus, un cours d’éthique en relation avec le plagiat. Sur le plan des sanctions, l’établissement lausannois dispose d’un Conseil de discipline. Il se compose d’un président extérieur à l’Université, désigné par la direction, de deux membres du corps professoral, de deux membres du corps intermédiaire et de deux étudiants désignés par le Conseil de l’Université. Par ailleurs, les arrêts du Conseil de discipline sont susceptibles de recours auprès de la Cour de droit administratif et public.
Fribourg, EPFL, HES-SO
L’Université de Fribourg dispose également de deux directives tout à fait explicites. La première concerne «la procédure en cas de soupçon de comportement scientifique incorrect». La deuxième porte sur «les cas de violation des règles de l’intégrité scientifique lors de la rédaction de travaux pendant la durée de la formation». Le règlement concernant le plagiat des étudiants est géré par le rectorat. Pour les chercheurs et les enseignants, l’Université de Fribourg fait appel à une commission externe.
Du côté de l’EPFL, l’accent est mis autant sur la sensibilisation que sur la prévention, par deux directives réunissant les règles, obligatoires, concernant l’utilisation des sources et la citation. Une de ces directives est destinée spécifiquement aux étudiants, alors que l’autre, englobée dans la directive sur l’intégrité scientifique, s’adresse aux chercheurs. L’EPFL précise que ses règles «vont plus loin que la loi suisse sur le droit d’auteur (LDA), car dans le monde tant scientifique qu’académique, qu’il soit national ou international, les règles applicables sont plus strictes que dans la société en général» .
Au niveau de la HES-SO, qui englobe pas moins de vingt-huit écoles, chacune avec ses propres règlements, un effort d’harmonisation est en cours. «Nous mettons actuellement en place une charte et un règlement», explique Yves Rey, vice-recteur. L’accent est mis, là aussi, sur la formation avec, en plus, un système de veille dans chacun des établissements.