Droit administratif

Le Secrétariat d’État aux migrations ne peut pas cesser d’indemniser un canton pour la prise en charge d’un requérant d’asile en lui reprochant de n’avoir pas exécuté le renvoi si le canton peut se prévaloir de motifs excusables. Le TF admet le recours du canton de Neuchâtel, qui n’avait pas transféré un ressortissant érythréen vers l’Italie dans le délai imparti de six mois en raison de la grossesse de sa compagne, une requérante d’asile d’origine érythréenne vivant en Suisse.

(2C_694/2022 du 21.12.2023)

Lors de l’achat d’un appartement en copropriété, l’acheteur qui verse au vendeur un montant supplémentaire correspondant à sa participation au fonds de rénovation ne peut pas déduire cette somme dans sa déclaration d’impôts à titre de frais d’entretien de l’immeuble. Dans ce cas bernois, l’acheteur avait effectué un versement complémentaire de près de 9400 francs auprès du vendeur.

(9C_391/2023 du 5.1.2024)

En matière de marchés publics, une association professionnelle souhaitant recourir contre une décision d’adjudication de gré à gré sans être elle-même touchée par cette décision doit rendre vraisemblable que la majorité ou un grand nombre de ses membres seraient à la fois aptes et disposés à déposer une offre pour le marché en cause. Le TF rejette les recours de deux associations professionnelles composées d’architectes et d’ingénieurs contre les décisions d’adjudication concernant la construction des gymnases vaudois du Chablais et d’Echallens.

(2C_196/2023 du 7.2.2024)

Droit privé

Après un divorce, la garde alternée n’est possible qu’en cas d’autorité parentale conjointe. Elle ne peut donc pas être ordonnée lorsque l’autorité parentale est exercée par un seul des deux parents. Ainsi, un parent ne peut pas avoir la garde sans détenir également l’autorité parentale. C’est donc à tort que la justice zurichoise a accepté la garde alternée de deux enfants, tout en confiant l’autorité parentale exclusive à la mère. Le TF admet le recours du père.

(5A_33/2023 du 20.12.2023)

Si la situation financière du parent qui a la garde des enfants s’améliore durablement et de manière importante, la pension alimentaire fixée par jugement de divorce peut être réduite au cas par cas. Dans la mesure où une contribution de prise en charge (partie de la pension servant à financer le manque à gagner du parent ayant la garde en raison de la prise en charge des enfants) a été fixée par un jugement de divorce sur des bases de calculs précises, l’amélioration de la situation financière du parent ayant la garde doit entraîner une réduction de cette contribution. Si les bases de calculs ne sont pas précisées dans le jugement de divorce, une adaptation de la pension n’est pas forcément justifiée.

(5A_176/2023 du 9.2.2024)

Passé le délai de six mois de l’art. 294 LP, seul le commissaire peut déposer une demande de prolongation du sursis concordataire définitif. Aucune lacune ne découle du régime de l’art. 295b LP. Le commissaire agit pour le compte du juge de concordat. Il ne protège ni les créanciers ni les débiteurs, mais prend en compte les intérêts de toutes les parties. La loi suit une logique en permettant au débiteur ou au créancier de prolonger le sursis en dessous de six mois (art. 294 LP), puis en réservant au seul commissaire la compétence de requérir un délai excédant six mois.

(5A_169/2023 du 12.1.2024)

Droit pénal

L’application factice de chat ANOM, faussement présentée comme cryptée, a été créée par le FBI et la Police fédérale australienne aux fins de confondre de potentiels criminels dans le cadre d’une vaste opération policière internationale appelée «Trojan Shield». Dans le canton d’Argovie, dans le cadre d’une instruction pénale dirigée contre un trafiquant de drogue présumé, le Ministère public a sollicité l’entraide judiciaire auprès des autorités américaines afin d’obtenir des messages échangés sur ANOM. Selon le TF, il appartient au juge du fond, et non au tribunal des mesures de contrainte, de se prononcer sur l’exploitabilité de telles preuves. Il ne s’agit en effet pas de «découvertes fortuites» au sens de l’art. 278 CPP.

(7B_159/2022 et 7B_160/2022 du 11.1.2024)

Selon l’art. 41 CEDH, la Cour européenne des droits de l’homme accorde une satisfaction équitable lorsqu’il y a eu violation de la Convention ou de ses protocoles si le droit interne de la Haute Partie contractante concernée ne permet de corriger qu’imparfaitement les conséquences de cette violation. Selon la jurisprudence de la Cour, un État contractant peut, s’il le juge opportun, accorder une indemnisation supplémentaire. Selon le TF, la base légale fait défaut en droit national pour fonder l’octroi d’une compensation financière après une détention injustifiée si la Cour européenne des droits de l’homme a déjà accordé une telle compensation. Il rejette le recours d’un homme ayant subi une détention injustifiée durant près de douze ans qui réclamait une réparation s’élevant au moins à 500 000 francs.

(7B_800/2023 du 18.12.2023)

Selon l’art. 82 du règlement vaudois sur le statut des personnes condamnées exécutant une peine privative de liberté ou une mesure, les établissements organisent, dans la mesure du possible, des rencontres privées en vue de permettre le maintien des liens de couple. Pour pouvoir en bénéficier, les personnes condamnées doivent justifier d’une relation stable et antérieure à leur incarcération avec leur partenaire. Si la relation a commencé après l’incarcération, elle doit, au moment où la rencontre privée est sollicitée, durer depuis six mois au moins. Selon le TF, cette réglementation est conforme aux droits fondamentaux.

(7B_471/2023 du 3.1.2024)

Droit des assurances sociales

Selon le TF, on ne saurait imposer aux bénéficiaires de l’aide sociale de demander le versement anticipé de leur avoir de libre passage à l’âge de 60 ans si ledit avoir devait être déjà épuisé à l’atteinte de l’âge limite de 63 ans ouvrant le droit à une rente AVS anticipée. Le montant des avoirs ainsi consommés se mesure à l’aune du calcul du besoin pour obtenir les prestations complémentaires.

(8C_333/2023 du 1.2.2024)

Selon l’art. 56 al. 1 LAMal, le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement. Selon l’al. 2, la rémunération des prestations qui dépassent cette limite peut être refusée. Le fournisseur de prestations peut être tenu de restituer les sommes reçues à tort. Selon l’art. 59 LAMal, les fournisseurs de prestations qui ne respectent pas les exigences relatives au caractère économique des prestations font l’objet de sanctions. En l’espèce, le TF admet partiellement le recours d’un médecin généraliste bernois contre la décision du Tribunal arbitral cantonal, qui l’avait reconnu coupable de traitement non économique suite aux plaintes de 26 caisses-maladie. Si une caisse d’assurance-maladie demande un remboursement pour un traitement non économique, elle doit pouvoir prouver concrètement son existence. Il faut procéder à un examen détaillé au cas par cas qui tienne compte des particularités déterminantes de chaque cabinet. Les anomalies statistiques ne suffisent pas.

(9C_135/2022 du 12.12.2023)