Adoptée en mars 2012 par le Parlement canadien, la Loi sur la sécurité des rues et des communautés apporte de nombreux changements à diverses législations existantes. En bref, elle instaure de nouvelles peines minimales obligatoires, c'est-à-dire sans sursis, notamment concernant les infractions liées au trafic de stupéfiants et les agressions sexuelles. Par ailleurs, cette loi augmente la durée d'autres peines minimales obligatoires existantes (notamment pour les infractions d'ordre sexuel à l'égard d'enfants), modifie le Code criminel en restreignant la possibilité d'octroyer le sursis pour certaines infractions, et prévoit un durcissement des peines pour les jeunes contrevenants.
L'entrée en vigueur de cette nouvelle loi a fait couler beaucoup d'encre. D'une part, le nom et le but même de ladite loi sont critiqués dans la mesure où les statistiques révèlent un taux de criminalité en déclin au Canada. D'autre part, l'effet dissuasif de l'augmentation des peines et de la suppression du sursis suscite des doutes. Il va sans dire que le nouveau système pourra conduire à des peines injustement excessives et sévères et entraîner l'incarcération de délinquants dont les infractions ne justifient pas un emprisonnement. Prenons un exemple pour étayer ce propos: une personne cultivant six plants de marijuana à des fins de trafic encourra une peine d'emprisonnement minimale obligatoire de six mois. La peine minimale d'emprisonnement sera même de neuf mois si la personne a utilisé des biens immeubles appartenant à autrui lors de la perpétration de l'infraction. Cela revient à punir davantage un délinquant, parce qu'il n'est que locataire des locaux dans lesquels il fait pousser du cannabis! De plus, même un délinquant primaire sera condamné à une peine ferme. La seule exception permettant au juge de ne pas imposer une peine obligatoire à une personne jugée pour trafic de drogue serait que cette personne termine avec succès un traitement contre la toxicomanie.
Force est de constater que la marge de manœuvre laissée au juge dans la fixation de la peine est très restreinte, les principes de proportionnalité et d'individualisation de la peine étant peu conciliables avec les sanctions minimales obligatoires.
La volonté de renforcer la sécurité est également d'actualité en Suisse. En effet, le Conseil fédéral s'est fixé pour objectif de prévenir et de combattre la criminalité en supprimant les peines pécuniaires avec sursis et en réintroduisant les courtes peines privatives de liberté, dans le but d'augmenter l'effet dissuasif des peines. Dans son rapport explicatif relatif à l'harmonisation des peines, le Conseil fédéral déclare que, même si l'on ne peut y renoncer entièrement, il faut éviter de fixer des peines minimales dans la loi, car elles restreignent le pouvoir d'appréciation du juge. Ainsi, tout en ayant pour but d'augmenter la sécurité en Suisse, le projet d'harmonisation des peines démontre la volonté du Gouvernement hélvétique de donner plus de marge de manœuvre au juge.
Cela étant dit, le corollaire des mesures prises pour augmenter la sécurité n'est pas des moindres: tant la réintroduction des courtes peines privatives de liberté en Suisse que l'instauration de peines minimales obligatoires au Canada risquent d'accentuer le problème de surpopulation carcérale, déjà existant dans les deux pays.
Erika Hediger, titulaire du brevet d'avocat, a travaillé comme juriste au sein du Parquet du procureur général à Genève et effectue actuellement un séjour sabbatique à Toronto