Assurances sociales
Validité de jugement
Jugement signé par un juge qui n'est plus en fonction et au nom d'un tribunal qui a cessé d'exister. La date à laquelle le tribunal en question dit avoir rendu son jugement est, au regard des exigences de l'article 30 al. 1 Cst., la seule qui vaille.
Extrait des considérants:
2.1.1 En premier lieu, elle estime que le jugement n'aurait pas été rendu par un tribunal compétent au sens des art. 30 al. 1 Cst. et 86 al. 2 LTF. Considérant qu'un jugement rendu par voie de circulation ne peut être réputé avoir été rendu qu'au moment où celui-ci est signé par le président de l'autorité judiciaire, elle en déduit que le jugement attaqué a été prononcé le 27 janvier 2009. Or, à cette date, le tribunal compétent pour traiter de l'affaire n'était plus le Tribunal des assurances du canton de Vaud, mais la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal.
2.1.2 Selon l'art. 30 al. 1 Cst. - qui, de ce point de vue, a la même portée que l'art. 6 § 1 CEDH (ATF 127 I 196 consid. 2b p. 198) -, toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce qu'elle soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Selon la jurisprudence, le droit des parties à une composition régulière du tribunal impose des exigences minimales en procédure cantonale; il interdit les tribunaux d'exception et la mise en œuvre de juges ad hoc ou ad personam et exige dès lors, en vue d'empêcher toute manipulation et afin de garantir l'indépendance nécessaire, une organisation judiciaire et une procédure déterminées par un texte légal (ATF 129 V 335 consid. 1.3.1 p. 338 et les références). Le droit à un tribunal établi par la loi est notamment violé lorsqu'un juge participe encore à la décision après la fin de sa période de fonction. La composition irrégulière de la juridiction est un vice fondamental, qui ne peut pas être réparé; seul un nouveau jugement, rendu par un tribunal établi conformément à la loi, est susceptible de rétablir une situation conforme au droit. Il faut cependant distinguer le cas où les juges ont cessé leur fonction avant que le tribunal ne statue de celui où ils l'ont quittée une fois que le tribunal a rendu son arrêt mais avant qu'il n'en ait notifié les considérants. Dans cette dernière hypothèse uniquement, il ne serait pas inconcevable que la rédaction de l'arrêt soit soumise à l'approbation des juges après la fin de leur activité (arrêt 1C_235/2008 du 13 mai 2009 consid. 3.2.1 et les références).
2.1.3 Le droit d'avoir accès à un tribunal est garanti non seulement par les art. 30 Cst. et 6 CEDH, mais également par l'art. 29a Cst. En vigueur depuis le 1er janvier 2007, cette disposition donne à toute personne le droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire. La Confédération et les cantons peuvent, par la loi, exclure l'accès au juge dans des cas exceptionnels. Cette norme étend le contrôle judiciaire à toutes les matières, y compris aux actes de l'administration, en établissant une garantie générale de l'accès au juge (ATF 130 I 312 consid. 4.2 p. 327 et les références). Selon la jurisprudence, elle est concrétisée par l'art. 86 al. 2 LTF, aux termes duquel les cantons doivent instituer des tribunaux supérieurs qui statuent comme autorités précédant immédiatement le Tribunal fédéral, sauf dans les cas où une autre loi fédérale prévoit qu'une décision d'une autre autorité judiciaire peut faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral. L'art. 130 al. 3 LTF impartit aux cantons un délai de deux ans pour édicter les dispositions d'exécution y relatives. Avant l'expiration de ce délai, le grief lié à l'absence d'accès à un tribunal supérieur n'est en principe pas fondé (ATF 134 I 199 consid. 1.2.1 p. 202; voir également arrêt 1C_267/2008 du 27 octobre 2008 consid. 2.1).
2.1.4 Le 1er janvier 2009 est entrée en vigueur la loi vaudoise du 6 mai 2008 modifiant celle du 12 décembre 1979 d'organisation judiciaire (LOJ-VD; RSV 173.01). Dans le cadre de cette novelle, le Tribunal des assurances, autorité judiciaire principale chargée d'examiner dans le canton de Vaud le contentieux en matière d'assurances sociales - autrefois rattaché au Tribunal cantonal, mais disposant d'une structure propre (art. 2 al. 1 ch. 1 let. a et 67 al. 3 LOJ-VD, dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2008) -, est devenu une cour du Tribunal cantonal (art. 67 al. 1 let. m LOJ-VD; voir également l'exposé des motifs et projets de lois relatif à la réforme de la juridiction administrative et de la juridiction des assurances sociales - CODEX 2010 volet «droit public»).
2.1.5 Le jugement litigieux a été prononcé par voie de circulation le 23 décembre 2008 par le Tribunal des assurances du canton de Vaud. Selon la pratique judiciaire, lorsque l'arrêt est rendu par voie de circulation, la date à laquelle il est prononcé correspond généralement au jour auquel le Président de l'autorité concernée atteste que la décision de cette autorité est venue à chef, c'est-
à-dire le jour où il constate que la proposition a obtenu l'unanimité ou emporté une majorité qui n'est plus susceptible d'être renversée. Ce jour ne coïncide pas nécessairement avec celui de la signature du jugement. Selon la jurisprudence, si la signature constitue une condition de validité formelle de la décision, elle sert avant tout à confirmer, pour des motifs de sécurité juridique, la conformité formelle et matérielle des exemplaires destinés aux parties avec la décision prise par le tribunal. La signature a pour fonction d'attester que l'acte notifié correspond à la volonté véritable du ou des signataires (ATF 131 V 483 consid. 2.3.3 p. 487; voir également arrêt I 252/06 du 14 juillet 2006 consid. 1, in SVR 2007 IV n° 19 p. 68). Faute d'indice laissant penser que la date du 23 décembre 2008 serait purement fictive, il convient de constater que la cause de la recourante a été examinée par un tribunal compétent au sens des dispositions légales applicables au moment où le jugement attaqué a été rendu, soit le Tribunal des assurances du canton de Vaud. Le point de savoir si cette juridiction constitue un tribunal supérieur au sens de l'art. 86 al. 2 LTF peut demeurer par ailleurs indécis, dès lors que les cantons disposaient d'un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi sur le Tribunal fédéral, soit jusqu'au 1er janvier 2009, pour adapter leur législation à la LTF (art. 130 al. 3 LTF).
2.1.6 Le fait que les opérations de rédaction et de chancellerie relatives au jugement entrepris se soient déroulées au début de l'année 2009 est sans conséquence sur la validité formelle de ce jugement. Comme le met en évidence la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal, des problèmes similaires se posent à chaque fois que l'évolution du cadre institutionnel entraîne la modification de l'organisation judiciaire fédérale ou cantonale. A compter de l'entrée en vigueur d'une nouvelle organisation judiciaire s'ouvre en effet systématiquement une période transitoire durant laquelle il y a lieu de procéder à la liquidation organisationnelle de l'ancien cadre juridictionnel, en veillant notamment à la rédaction et à la notification des décisions rendues conformément aux dispositions applicables jusqu'alors. Pour l'exemple, on relèvera que l'intégration le 1er janvier 2007 du Tribunal fédéral des assurances au sein du Tribunal fédéral et la création de deux Cours de droit social n'ont pas empêché le Tribunal fédéral des assurances de rendre 30 arrêts entre les 27 et 29 décembre 2006, lesquels ont tous été notifiés au début de 2007 (p. ex., arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 853/05 du 28 décembre 2006).
(Arrêt du Tribunal fédéral 9C_185/2009 du 19 août 2009).
Assurances sociales
Jugement rendu par voie de circulation
Le fait de rendre un jugement par voie de circulation et non consultable ne serait pas contraire au principe de publicité de l'article 6 & 1 CEDH.
Extrait des considérants:
2.1 Dans une série de griefs de nature formelle, le recourant se plaint de plusieurs violations des garanties de procédure instituées par l'art. 30 Cst. Il estime en premier lieu que le jugement attaqué n'aurait pas été rendu par un tribunal compétent au sens des art. 30 al. 1 Cst. et 86 al. 2 LTF. Dans la mesure où un jugement rendu par voie de circulation ne peut être réputé avoir été rendu qu'au moment où celui-ci est signé par le président de l'autorité judiciaire, le jugement attaqué aurait été prononcé en l'espèce postérieurement au 1er janvier 2009. A cette date, le tribunal compétent pour traiter de l'affaire était la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal, et non pas le Tribunal des assurances du canton de Vaud. Le recourant reproche en second lieu aux premiers juges d'avoir rendu leur jugement par voie de circulation, démarche qui ne serait pas compatible avec le principe de publicité de la procédure judiciaire garanti par l'art. 30 al. 3 Cst.
2.2 En réponse à des griefs identiques, le Tribunal fédéral a, dans un arrêt 9C_185/2009 du 19 août 2009, considéré que les jugements rendus par voie de circulation avant le 1er janvier 2009 par le Tribunal des assurances du canton de Vaud, mais signés et notifiés postérieurement à cette date alors que cette autorité n'avait plus d'existence formelle, ne violaient pas les garanties de procédure offertes par les art. 30 al. 1 Cst. et 86 al. 2 LTF (consid. 2.1). De même, le Tribunal fédéral a rappelé que faute d'une requête expresse en procédure cantonale tendant à l'organisation de débats publics, il n'était pas possible de se prévaloir d'une violation du principe de la publicité des débats garanti par les art. 30 al. 3 Cst. et 6 § 1 CEDH (consid. 2.2).
3.1 Pour le surplus, le recourant se plaint d'une violation de l'art. 28 al. 3 LPGA. A son avis, l'office intimé et la juridiction cantonale se seraient fondés sur un moyen de preuve - le rapport d'expertise établi par le docteur N. - qui aurait été recueilli de manière illicite. L'autorisation figurant au bas de la demande de prestations était formulée de manière générale et ne désignait pas nommément l'assureur perte de gain en cas de maladie parmi les institutions autorisées à collaborer avec l'administration et les pièces que celui-ci pouvait transmettre. Le recourant estime par conséquent n'avoir pas donné son accord à la production dans la cause du dossier de l'assureur perte de gain en cas de maladie, singulièrement du rapport d'expertise du docteur N.
3.2 Depuis le 1er janvier 2008, la question de la collaboration des tiers en matière d'assurance-invalidité est réglée à l'art. 6a LAI. Entrée en vigueur postérieurement à la décision litigieuse, cette disposition n'est toutefois pas applicable au présent litige, de sorte que le Tribunal fédéral s'abstiendra d'examiner la portée de cette disposition dans le cas présent.
3.3 Selon l'art. 28 al. 3 LPGA - applicable dans le cas d'espèce -, le requérant est tenu d'autoriser dans des cas particuliers toutes les personnes et institutions, notamment les employeurs, les médecins, les assurances et les organes officiels à fournir des renseignements, pour autant que ceux-ci soient nécessaires pour établir le droit aux prestations. Ces personnes et institutions sont tenues de donner les renseignements requis (voir également l'art. 65 al. 1 RAI, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007). L'autorisation doit toujours se référer à un cas particulier et les renseignements sollicités doivent être pertinents, autrement dit nécessaires pour établir le droit aux prestations. Un tiers ne saurait se voir contraint de fournir des renseignements généraux en dehors d'un cas concret (Rapport du 26 mars 1999 de la Commission du Conseil national de la sécurité sociale et de la santé relatif au projet de loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, FF 1999 4231; Clémence Grisel, L'obligation de collaborer des parties en procédure administrative, 2008, p. 217 ss). L'autorisation délivrée par l'assuré porte sur la fourniture de renseignements et inclut la production des documents propres à les justifier (Ueli Kieser, ATSG-Kommentar, 2e édition, 2009, n° 38 ad art. 28 LPGA). En revanche, l'octroi de l'autorisation ne permet en principe plus à l'assuré de se plaindre d'une violation du secret de fonction ou du secret professionnel pour faire écarter les pièces jointes au dossier (Ueli Kieser, Schweizerisches Sozialversicherungsrecht, 2008, p. 432 ss).
3.4 Le formulaire standard de demande de prestations de l'assurance-invalidité contient la formule suivante: «En signant ce formulaire, l'assuré(e) ou son/sa représentant(e) autorise toutes les personnes et tous les offices entrant en considération, en particulier les médecins, le personnel paramédical, les établissements hospitaliers, les caisses-maladie, les employeurs, les avocat(e)s, les fiduciaires, les assurances publiques et privées, les organismes publics ainsi que les institutions d'aide sociale privées, à donner aux organes de l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité les renseignements nécessaires à l'examen du bien-fondé de la demande et de l'octroi de prestations, ainsi que ceux visant à l'exercice par l'assurance du droit de recours contre les tiers responsables contre lesquels l'assuré(e) peut faire valoir des prétentions en dommages-intérêts ensuite du préjudice subi.»
Telle que rédigée, cette autorisation s'avère conforme à l'art. 28 al. 3 LPGA. Même si le cercle des personnes concernées peut sembler à première vue général et abstrait, l'autorisation ne permet que la production de renseignements qui sont en rapport étroit avec la demande concrète de prestations et n'apparaît pas comme le prétexte à une recherche indéterminée d'informations. En signant le formulaire de demande, l'assuré autorise expressément les tiers concernés à ne donner aux organes de l'assurance-invalidité que les renseignements nécessaires - et seulement ceux-ci - à l'examen de la demande. Cette autorisation est non seulement conforme à la loi, mais également appropriée au regard des principes de célérité et d'économie de la procédure. Le requérant a en effet un intérêt légitime à voir sa demande de prestations être traitée le plus rapidement possible, sans que les mesures d'instruction ne se prolongent ou se multiplient à l'excès (voir également RCC 1977 p. 23 ad art. 65 RAI), l'assuré demeurant par ailleurs libre de contester en tout temps la valeur probante des pièces recueillies ou de demander la mise en œuvre de mesures d'instruction supplémentaires.
3.5 En tant qu'il renferme très souvent des indications relatives aux circonstances qui sont à l'origine de l'incapacité de travail, le dossier de l'assureur perte de gain en cas de maladie présente, à l'instar de celui de l'assureur-accidents, un intérêt non négligeable dans le cadre du traitement d'une demande de prestations de l'assurance-invalidité. A cet égard, il ne fait aucun doute que cet assureur fait partie des tiers concernés par l'autorisation contenue dans le formulaire de demande de prestations. Comme l'a relevé à juste titre la juridiction cantonale, le dossier constitué par SWICA Organisation de santé était en outre utile à l'examen du bien-fondé de la demande de prestations; les pièces que celui-ci contenait apparaissaient nécessaires à cet examen, puisqu'elles renfermaient des évaluations médicales, en particulier psychiatriques, concernant la capacité de travail et de gain du recourant. Ce dernier ne prétend pas le contraire, puisqu'il ne s'en prend dans son recours qu'à la validité de l'autorisation qu'il a octroyée dans le cadre de sa demande de prestations, sans porter de griefs sur la teneur des pièces produites.
3.6 Sur le vu de ce qui précède, il appert que l'office AI n'a pas violé le droit fédéral en requérant la production dans la cause du dossier de l'assureur perte de gain en cas de maladie, singulièrement du rapport d'expertise du docteur N.
(Arrêt du Tribunal fédéral 9C_250/2009 du 29 septembre 2009).
Commentaire
1) Jugement rendu par voie de circulation et prononcé public: un jugement rendu par voie de circulation peut être considéré comme ayant fait l'objet d'un prononcé public, à la condition qu'il soit consultable d'une manière ou d'une autre. Or celui ou celle qui se rendrait au greffe du tribunal ayant rendu le jugement dont il est question ici devrait déchanter: il n'y a aucun moyen de savoir quels jugements ont été rendus par le tribunal des assurances du canton de Vaud le 19 décembre 2008 ni ce que ces jugements disent. Le site internet nouvellement créé par le Tribunal cantonal du canton de Vaud ne rend par ailleurs pas les jugements en question plus accessibles.
Or l'exigence de publicité de l'article 6 & 1 CEDH vaut aussi bien pour l'audience que pour le jugement (l'article 30 al. 3 Cst. reprend en effet ces exigences en disant que «l'audience et le prononcé de jugement sont publics»).
2) Désuétude de la protection des données: le Tribunal fédéral dit pouvoir s'abstenir, dans le cas d'espèce, d'examiner la portée de l'article 6a LAI, entré en vigueur le 1er janvier 2008. Mais que dit l'article 6a al. 1 LAI? «En faisant valoir son droit aux prestations, l'assuré, en dérogation à l'art. 28, al. 3, LPGA, autorise les personnes et les instances mentionnées dans sa demande à fournir aux organes de l'AI tous les renseignements et les documents nécessaires pour établir ce droit et le bien-fondé de prétentions récursoires.»
Pourquoi donc le législateur a-t-il introduit cet article 6a al. 1 LAI? Parce qu'il a considéré que l'autorisation de donner des renseignements que l'AI fait, depuis toujours, signer à ses assurés n'est pas conforme à l'exigence d'autorisation dite particulière de l'article 28 al. 3 LPGA, le préposé fédéral à la protection des données ayant toujours dit et redit que l'autorisation qui a cours dans l'AI est du point de vue de la protection des données précisément, beaucoup trop large. A quoi le Tribunal fédéral répond, sans trop fouiller les arguments des uns et des autres, qu'il n'y a pas, au regard de l'article 28 al. 3 LPGA, de problème. Soit en d'autres termes que l'AI peut faire ce que la majorité du Parlement pensait ne pas pouvoir faire (à savoir faire signer aux assurés des autorisations de communication de renseignements qui sont, tant pour les renseignements à fournir que pour les personnes appelées à les fournir, aussi imprécises que larges).