Droit pénal
L'autorité doit vérifier que la mise en détention a lieu dans des conditions acceptables
Les art. 234 et 235 I CPP imposent une exécution de la détention provisoire dans des établissements appropriés et conformes au principe de proportionnalité. Saisie d'allégations de mauvais traitements subis par un détenu à l'Hôtel de police de Lausanne où il a été gardé durant quatorze jours, alors que ce genre de détention était limité à quarante-huit heures, il appartenait à l'autorité du contrôle de la détention d'élucider les faits et de constater, le cas échéant, les irrégularités dénoncées. A l'issue de la procédure, il y aura lieu de tirer les conséquences d'une telle constatation (notamment relativement aux art. 429 ss CPP s'agissant de l'indemnisation). Dans l'immédiat, il a droit à une enquête prompte et sérieuse examinant immédiatement ses griefs.
Etat de fait
A., ressortissant algérien né en 1990, a été interpellé le 20 octobre 2012 à Lausanne et mis en prévention de vol et dommages à la propriété, notamment pour le cambriolage d'une villa. Par ordonnance du 23 octobre 2012, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud (Tmc) a ordonné sa mise en détention provisoire pour trois mois, en raison des charges suffisantes et du risque de fuite, l'intéressé étant en situation illégale et sans attaches avec la Suisse. Le Tmc a également considéré que si l'intéressé avait été détenu à l'Hôtel de police de Lausanne durant quelques jours, cela ne constituait pas un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'art. 3 CEDH.
Le prévenu a saisi la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois, en relevant qu'il était détenu depuis quatorze jours à l'Hôtel de police alors que les cellules n'étaient prévues que pour des séjours de 48 h au plus.
B. Par arrêt du 19 novembre 2012, la Chambre des recours pénale a rejeté le recours et confirmé l'ordonnance du 23 octobre 2012. Il n'était pas contesté que les conditions d'une mise en détention provisoire étaient réalisées, la prévention ayant encore été étendue à quatre autres cambriolages. Les prévenus ne pouvaient, selon la loi vaudoise d'introduction du CPP (LVCPP, RS/VD 312.01), être détenus que 48 h dans les cellules des postes de police. En l'occurrence, le placement dans un établissement pénitentiaire n'avait pu être exécuté qu'après quatorze jours, vraisemblablement en raison d'un manque de place. Cette durée excessive ne devait toutefois pas entraîner la libération du prévenu. Il n'y avait donc pas lieu d'examiner les griefs de violation des art. 3 et 9 CEDH, ni de donner suite aux requêtes d'expertise et d'inspection locale.
C. Par acte du 27 décembre 2012, A. forme un recours en matière pénale. Il demande la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que sa libération immédiate est ordonnée. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la Cour cantonale pour nouvelle décision. Le recourant requiert l'assistance judiciaire. La Cour cantonale se réfère à sa décision. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Le recourant a répliqué le 18 janvier 2013, persistant dans ses motifs et ses conclusions.
Extrait des considérants
1. Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et let. b ch. 1 LTF, le prévenu a qualité pour agir. Le recours est formé en temps utile (art. 100 al.1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF). Les conclusions présentées sont en soi recevables au regard de l'art. 107 al. 2LTF.
2. A l'appui de ses conclusions, le recourant se plaint d'établissement inexact des faits et de violation de son droit d'être entendu, s'agissant desconditions dans lesquelles il a été détenu à l'Hôtel de police durant quatorze jours. Sur le fond, il invoque les art. 3 et 9 CEDH, ainsi que la loi vaudoise sur l'exécution de la détention avant jugement (LEDJ; RS VD 312.07).
2.1 La Cour cantonale a reconnu que les quatorze jours de détention à l'Hôtel de police constituaient une violation crasse de l'art. 27 al. 1 LVCPP, qui limitait ce genre de détention à quarante huit heures. Toutefois, le recourant était désormais détenu dans un établissement pénitentiaire de détention avant jugement. La détention était justifiée et le recourant ne prétendait pas qu'en raison de sa détention à l'Hôtel de police, sa santé serait à ce point altérée que la détention provisoire devrait être levée.
2.2 Le recourant ne conteste pas cette appréciation. Celle-ci est au demeurant conforme à la jurisprudence selon laquelle des irrégularités entachant la procédure de détention provisoire (défaut de titre de détention durant une certaine période - cf. SJ 2004 I p. 138 -, irrégularité durant la procédure de placement ou de prolongation de la détention - ATF 137 IV 118) n'entraînent pas la mise en liberté immédiate du prévenu, dans la mesure où les conditions de mise en détention provisoire sont par ailleurs réunies. Or, le recourant admet expressément que les conditions d'une mise en détention provisoire au sens de l'art. 221 CPP, en particulier l'existence de forts soupçons (al. 1) et d'un risque de fuite (let. a), sont réalisées. Dans la mesure où le placement contesté a pris fin, le recourant se trouvant depuis le 2 novembre 2012 dans un établissement adapté à la détention provisoire, il n'apparaît pas que l'admission de ses griefs devrait conduire à sa mise en liberté.
3. En revanche, c'est à tort que la Cour cantonale a estimé qu'il n'y avait pas lieu d'examiner si les conditions de détention subies durant quatorze jours constituaient une violation des art. 3 et 9 CEDH, de la législation fédérale et de la réglementation cantonale relatives aux conditions de détention.
3.1 La jurisprudence considère en effet que lorsqu'une irrégularité constitutive d'une violation d'une garantie constitutionnelle a entaché la procédure relative à la détention provisoire, celle-ci doit en principe être réparée par une décision de constatation (ATF 138 IV 81 consid. 2.4 p. 85; 137 IV 92 consid. 3 p. 96; 136 I 274 consid. 2.3 p. 278). Il doit en aller de même lorsque le prévenu estime avoir subi, du fait de la mise en détention provisoire, un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH. Dans un tel cas, l'intéressé dispose d'un droit propre à ce que les agissements dénoncés fassent l'objet d'une enquête prompte et impartiale (ATF 138 IV 86 consid. 3.1.1. p. 88; 131 I 455 consid. 1.2.5 p. 462). Ainsi, même si les violations alléguées par le recourant se rapportaient au régime carcéral auquel il a été soumis, et non au principe même de la mise en détention qui était l'objet de la décision du Tmc, c'est à cette juridiction, investie du contrôle de la détention, qu'il appartenait d'intervenir en cas d'allégations crédibles de traitement prohibés.
4. L'art. 3 CEDH, qui interdit (à l'instar d'autres dispositions constitutionnelles et conventionnelles) la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, impose notamment des standards minimaux en matière de détention (ATF 124 I 231 consid. 2 p. 235), concrétisés par les Règles pénitentiaires européennes adoptées par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe (Recommandation Rec(2006)2). En matière de procédure pénale, l'art. 3 CPP pose également le principe du respect de la dignité. L'art. 234 al. 1 CPP prévoit qu'en règle générale, la détention provisoire et pour des motifs de sûreté est exécutée dans des établissements réservés à cet usage et qui ne servent qu'à l'exécution de courtes peines privatives de liberté. L'art. 235 CPP régit l'exécution de la détention; il pose le principe général de proportionnalité (al. 1) et précise (al. 5) que les cantons règlent les droits et les obligations des prévenus en détention. L'art. 27 LVCPP prévoit que la personne qui a fait l'objet d'une arrestation provisoire peut être retenue dans les cellules des locaux de gendarmerie ou de police durant 48 heures au maximum (al. 1). S'il requiert la mise en détention provisoire auprès du Tmc, le procureur rend une ordonnance en vue du transfert dans un établissement de détention avant jugement. Les art. 10 ss LEDJ fixent de manière précise les conditions de détention avant jugement, notamment les relations avec le monde extérieur (art. 14), les activités hors de la cellule (art. 15) et l'assistance (art. 17). Le règlement applicable au statut des détenus avant jugement (RSDAJ; RS/VD 340.02.5) s'applique à toutes les personnes adultes qui sont placées dans un établissement pénitentiaire de détention avant jugement du canton de Vaud. Il apporte de nombreuses précisions sur le régime carcéral applicable à ces personnes.
4.1 En l'occurrence, la cour cantonale a reconnu que l'art. 27 LVCPP avait été violé de manière évidente, le délai de quarante huit heures pour une détention dans «d'autres locaux» ayant été largement dépassé. Une ordonnance de transfert dans un établissement de détention avant jugement avait bien été rendue par le Ministère public conformément à l'art. 27 al. 2 LVCPP, mais celle-ci n'avait pu être exécutée, «selon toute vraisemblance en raison d'un manque de place dans les établissements de détention avant jugement». Le recourant allègue pour sa part que sa cellule à l'Hôtel de police faisait moins de 4,5 m2, qu'elle était dépourvue de fenêtre, la lumière étant allumée en permanence, que les toilettes étaient situées à la tête du lit et qu'il n'y avait pas d'eau courante; il n'aurait pu se doucher que deux fois par semaine, ne pouvait lire l'heure (ce qui l'aurait empêché de pratiquer son culte) et n'aurait eu que quinze minutes de promenade en plein air par jour. Il n'aurait pas pu changer de vêtements et de sous-vêtements durant quatorze jours (à l'exception de son T-shirt). Il n'aurait eu aucun accès aux médias, aucun livre à disposition ni aucune possibilité de téléphoner. Il aurait requis en vain l'assistance d'un psychologue. Le recourant mentionne diverses dispositions de la LEDJ et du RSDAJ, ainsi que les principes déduits de l'art. 3 CEDH. Il estime également avoir été privé de son droit à l'exercice de sa religion.
L'ensemble de ces affirmations - en l'état non contestées - rend à tout le moins crédible l'existence d'une violation des dispositions conventionnelles, légales et réglementaires précitées. Le délai maximum de quarante huit heures fixé dans la loi laisse au demeurant supposer que les cellules des locaux de gendarmerie ou de police ne sont pas appropriés pour une détention de plus longue durée.
4.2 Dans ces conditions, il appartenait à l'autorité saisie de la demande de mise en détention de vérifier que celle-ci avait lieu dans des conditions acceptables, au regard notamment des art. 234 et 235 al. 1 CPP qui imposent une exécution de la détention provisoire dans des établissements appropriés, et conforme au principe de la proportionnalité. Saisie d'allégations de mauvais traitements subis dans ce cadre, il lui appartenait d'élucider les faits et de constater, le cas échéant, les irrégularités dénoncées. Comme cela est relevé ci-dessus, une telle constatation ne saurait avoir pour conséquence la remise en liberté du prévenu. Par ailleurs, ce n'est qu'à l'issue de la procédure qu'il y aurait lieu de tirer les conséquences d'une telle constatation (cf. les art. 429 ss CPP s'agissant de l'indemnisation). Toutefois, l'intéressé a droit à une enquête prompte et sérieuse, de sorte que ses griefs doivent être examinés immédiatement.
5. Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être admis partiellement. L'arrêt attaqué est maintenu en tant qu'il confirme la prolongation de la détention provisoire (ch. II du dispositif), et la demande de mise en liberté est rejetée. Il est annulé pour le surplus et la cause est renvoyée à la cour cantonale afin que les allégations du recourant soient examinées. Il appartiendra à la Chambre des recours pénale de décider si elle entend elle-même procéder à cet examen, ou si elle renvoie la cause au Tmc.
Le recourant, qui obtient gain de cause sur ce point, a droit à des dépens, à la charge du canton de Vaud. Cela rend sans objet sa demande d'assistance judiciaire. (...)
(Arrêt de la Ire Cour de droit public du 5 février 2013, 1B.788/2012)
Protection de la personnalité
Protéger la réputation d'une entreprise ne justifie pas l'infiltration d'une association non-violente
En se présentant sous une fausse identité pour participer aux activités de rédaction du groupe Attac-Suisse portant sur la société Nestlé, une employée de Securitas SA a trompé intentionnellement les autres membres du groupe et transgressé le principe de la bonne foi. Elle a eu accès à des faits et des données se rapportant à leur sphère privée et qu'ils n'auraient pas voulu partager avec elle s'ils avaient connu sa mission. Cette infiltration était un procédé déloyal, une forme de traîtrise, qui pose un problème moral et porte atteinte à la liberté personnelle ainsi qu'à la sphère privée. Les tâches de sécurité par l'acquisition préventive d'information sont en principe clairement étatiques, ou doivent prévenir un risque sérieux et grave, actuel, ressortant d'indices concrets, qui faisaient défaut dans le cas de cette association non-violente. Les circonstances de l'espèce justifient le versement d'une indemnité de 3000 fr. par personne aux demandeurs.
Etat de fait
Neuf plaignants co-auteurs d'un livre critique, «Attac contre l'empire Nestlé» (2004), ont été épiés à leurs domiciles privés et lors de séances de préparation de cet ouvrage par une «taupe» mise en place par Securitas pour le compte de la multinationale basée à Vevey. Les membres d'Attac (ci-après: les demandeurs) avaient agi en «protection de leur personnalité», invoquant à la fois la protection générale des articles 28 et suivants du Code civil (CC) et la protection spécifique de la loi sur la protection des données (LPD) lors du traitement des données personnelles.
Si la protection spécifique de la LPD n'a pas été retenue, faute d'avoir pu démontrer l'existence et la détention par Securitas et Nestlé d'un fichier, le juge civil a considéré que les droits de la personnalité des demandeurs ont fait l'objet d'une atteinte illicite au sens des art. 28 ss CC. Les circonstances justifient pleinement le versement d'une indemnité pour tort moral.
Extrait des considérants
Ia. (...) Le Tribunal fédéral a jugé que les détails de la vie de l'association et en particulier l'état de ses membres ont un caractère privé et ne sont pas destinés au public (ATF 97 II 97 c. 2 précité). (...)
IIIb. En se présentant sous une fausse identité, «Sara Meylan» (l'employée de Securitas ayant agi pour le compte de Nestlé, ndlr.) a trompé intentionnellement les demandeurs et transgressé le principe de la bonne foi. Elle a eu accès à des faits ou des données qui se rapportent à la sphère privée des demandeurs et que ceux-ci n'auraient, selon toute vraisemblance, pas voulu partager avec elle s'ils avaient connu sa véritable identité. (...)
L'atteinte dépasse assurément le seuil de tolérance qu'on est en droit d'attendre de toute personne vivant en société, indépendamment du ressenti ou de la sensibilité de la victime.
L'intervention, soit l'infiltration (...) s'inscrit dans la durée (2003-2004, puis à tout le moins jusqu'à fin 2005). Entrer en contact avec des militants associatifs, adhérer à leur association, en leur donnant à penser qu'on est des leurs, afin de gagner leur confiance, en dissimulant sa mission et son but réel, c'est un procédé déloyal, une forme de traîtrise, qui pose d'ailleurs un problème moral. (...) Ce procédé comporte une atteinte à la liberté personnelle (et à la sphère privée), en privant les victimes du choix de partager ou non de telles informations avec la personne infiltrée, qui agit avec dissimulation.
IV. Les droits de la personnalité sont des droits absolus, raison pour laquelle une atteinte à ces droits est illicite, sauf à être justifiée par l'un des motifs énoncés à l'article 28 alinéa 2 CC (...), savoir le consentement de la victime, un intérêt prépondérant privé ou public, ou la loi. (...)
a) (...) En l'espèce, les défenderesses invoquent la facilité avec laquelle il est possible de devenir membre d'Attac-Suisse et la publicité des réunions (...). Certes, la qualité de membre peut s'acquérir facilement, il n'y a ni contrôle ni parrainage. Toutefois, cela ne permet pas de retenir un consentement libre et éclairé des victimes, alors que les demandeurs n'ont pas eu conscience d'être infiltrés. Les rapports au sein de l'association et plus particulièrement du groupe de travail étaient fondés sur la confiance et sur une certaine communauté d'idées. Si les demandeurs avaient su que «Sara Meylan» agissait pour le compte des défenderesses, ils ne l'auraient pas admise dans le groupe de travail. (...)
Il faut donc exclure l'existence d'un fait justificatif tel que le consentement de la personne lésée, en l'occurrence vicié par la tromperie.
b) Les défenderesses n'invoquent pas d'intérêt prépondérant public; reste un éventuel intérêt prépondérant privé.
L'atteinte à la personnalité d'une personne non consentante n'est pas nécessairement illicite. Elle est en effet licite si son auteur peut se prévaloir d'un intérêt prépondérant. Pour apprécier ce motif justificatif, le juge doit peser les intérêts en présence, à savoir l'intérêt de la victime à ne pas subir d'atteinte à sa personnalité et celui de l'auteur de l'atteinte à réaliser un but qui est, dans une certaine mesure, également protégé par le droit.(...)
Les défenderesses se prévalent de leur propre intérêt à prévenir et empêcher des atteintes aux personnes et aux biens de Nestlé.(...) On relève d'abord que les tâches de sécurité par l'acquisition préventive d'information sont en principe clairement étatiques. Si tant est que les tâches de police préventive ne soient pas réservées exclusivement aux autorités de l'Etat, il devrait s'agir de prévention ou de protection face à un risque sérieux ou grave, actuel, ressortant d'indices concrets, objectifs, fondant un soupçon pressant et un besoin de recourir au procédé d'infiltration (...).
S'agissant en particulier d'Attac, le témoignage crédible de Luc Recordon, corroboré par d'autres dépositions, atteste de la non-violence de l'association demanderesse; il n'est pas démenti par les pièces au dossier.
Il y a, dans les raisons invoquées par les défenderesses pour justifier les infiltrations, des incohérences et des anachronismes. Pour l'essentiel, le processus d'élaboration du livre «Attac contre l'empire Nestlé» a été postérieur au G8 d'Evian. Or au lendemain de cet événement, ce n'était plus la sécurité des biens et des personnes du groupe Nestlé (...) qui intéressait le responsable de la sécurité au niveau du groupe (...), mais plutôt la réputation de celui-ci, traitée par le service de communication. (...)
Les investigations par infiltration n'ont pas révélé de préparatifs d'actions violentes dirigées contre Nestlé, notamment des déprédations. Il n'y a que des opinions critiques, plus ou moins virulentes, au sujet de Nestlé, qui pouvait se défendre sans porter atteinte à la sphère privée des défendeurs.
En définitive, l'infiltration n'est pas dans un rapport adéquat et raisonnable avec la défense d'un intérêt légitime prépondérant des défenderesses, en particulier de Nestlé.
VIb) (...) L'action en réparation du tort moral pour atteinte à la personnalité est régie par l'article 49 CO. (...) Les circonstances de l'espèce justifient le versement d'une indemnité (...) aux demandeurs, en particulier les sentiments de trahison, d'inquiétude, de peur ou d'insécurité vécus péniblement par eux. (...)
La faute des défenderesses est donnée. On peut leur reprocher un manquement de la volonté aux devoirs imposés par l'ordre juridique: elles auraient dû savoir que les missions d'infiltration n'étaient pas conformes à ce qui s'imposait dans les circonstances de l'espèce; elles n'étaient pas en droit d'ignorer l'atteinte à laquelle elles participaient.
La somme de 3000 fr. par personne lésée est adéquate.
VII. Les demandeurs, qui obtiennent gain de cause pour l'essentiel, ont droit à des dépens. (...) Chacune des défenderesses Nestlé SA et Securitas SA assumera la moitié de ces dépens. (...)
(Jugement rendu par le président du Tribunal civil de Lausanne le 25 janvier 2013 dans la cause X. et consorts contre Nestlé Suisse SA et consorts, PP08.018926)
Droit de la profession d'avocat
Honoraire pour indication des voies de recours réduit
La taxation de base de l'honoraire de l'avocat couvre le fait de se mettre au courant d'un cas. Dans la procédure d'appel, l'honoraire sera réduit de manière appropriée lorsque l'avocat est déjà au courant du cas. Certes, l'ordonnance zurichoise relative au tarif des avocats ne le dit pas expressément; rien ne s'oppose toutefois à cette interprétation qui découle d'ordonnances relatives aux tarifs antérieures.
Etat de fait
Dans une procédure qui concernait le placement d'un enfant à l'extérieur, l'avocat commis d'office de la recourante devait être indemnisé par la caisse du tribunal. L'indemnité due par la partie adverse ne pouvait être en effet obtenue. Telle était l'opinion du Tribunal cantonal zurichois. Le fait que l'avocat ait fixé à 9,5 heures de travail le montant de sa facture a été jugé approprié par le tribunal dans cette affaire. Le montant chiffré correspondait aussi à celui qui avait été calculé par le défenseur, soit quelque 2000 fr. Il n'a donc pas jugé nécessaire de corriger cette rémunération. Le Tribunal cantonal ne peut cependant pas suivre l'avocat lorsqu'il affirme que la facture doit être fixée «sur la base des heures nécessaires multipliées par le montant horaire de base».
Extrait des considérants
Der Rahmen für die Honorarberechnung liegt für nicht vermögensrechtliche Angelegenheiten (und das ist die Frage einer Fremdplatzierung eines Kindes) nach § 5 Abs. 1 der AnwGebV zunächst bei Fr. 1'400.-- bis Fr. 16'000.--. Da es um eine vorsorgliche Massnahme geht, welche im summarischen Verfahren zu behandeln ist, liegt die Spanne der möglichen Honorare nach § 9 AnwGebV bei minimal Fr. 280.-- (ein Fünftel Fr. 1'400.--) bis Fr. 10'660.-- (zwei Drittel von Fr. 16'000.--).
Die Verordnung enthält spezielle Bestimmungen zu den Rechtsmittelverfahren. Nach § 13 Abs. 3 AnwGebV soll «auf eine Herabsetzung verzichtet» werden, wenn das Novenrecht «stark» in Anspruch genommen wurde. Daraus ist zu schliessen, dass in den anderen Fällen eine «Herabsetzung» erfolgen soll. Von der Systematik bezieht sich dieser Absatz auf den vorangehenden Abs. 2: «Bei endgültiger Streiterledigung wird die Gebühr auf einen Drittel bis zwei Drittel herabgesetzt». Was das bedeuten soll, erschliesst sich nicht leicht. Immerhin lässt sich daraus lesen, dass es bei nicht endgültiger Erledigung keine Herabsetzung geben soll - mit der merkwürdigen Konsequenz, dass ein Anwalt für ein Berufungsverfahren mehr zu gut hat, wenn das Obergericht das angefochtene Urteil aufhebt und für ein Beweisverfahren ans Bezirksgericht zurück weist, als wenn es selber das Urteil in der Sache fällt. Die Mühe des Ausarbeitens der Rechtsmittelschrift wird aber nicht hinterher grösser oder geringer, je nachdem wie die angerufene Instanz entscheidet. Nach Treu und Glauben muss der Vertreter seinem Klienten auch bevor er die Arbeit leistet mindestens annähernd sagen können, welche Entschädigung im Erfolgsfall vom Gegner zu erwarten ist.
Nach früheren Fassungen der Gebührenverordnung galt, dass die unverkürzte Grundgebühr des Anwaltes (verdient mit der ersten Rechtsschrift oder der ersten mündlichen Verhandlung) auch das Einarbeiten in den Fall an sich abgalt. Entsprechend wurde für eine Rechtsmittelschrift ein Abschlag gemacht, weil der Anwalt den Stoff ja bereits kennt. Eine Ausnahme galt, wenn die Vertretung erst in
der Rechtsmittelinstanz begonnen hatte - weil dann eben Instruktion und Einarbeitung abzugelten waren (das wurde in den aktuellen § 12 Abs. 3 AnwGebV übernommen, wenn auch der Verweis auf § 13 Abs. 1 AnwGebV keinen Sinn macht). Damit stimmt der erwähnte aktuelle Absatz 3 von § 13 AnwGebV überein: Noven können die Vertrautheit des Anwaltes mit dem Fall und die damit einher gehende Herabsetzung kompensieren. Dass an diesen Grundsätzen beim Erlass der aktuellen Verordnung etwas geändert werden sollte, ist nicht erinnerlich. Daher ist in einem Rechtsmittelverfahren für die (Grund-)Gebühr in der Regel ein Abzug zu machen, der sich mangels einer klaren Grundlage im § 13 auf die allgemeinen Bestimmungen der §§ 2 und 4 AnwGebV zu stützen hat.
(Décision dans l'affaire NQ120050-O/Z04 de la 2e Chambre civile du Tribunal cantonal zurichois du 8.11.2012)
L'actualité des tribunaux fédéraux
Stop à la construction de résidences secondaires
Le Tribunal fédéral assure l'effet suspensif à la presque centaine de recours déposés jusqu'alors par Helvetia Nostra contre le défaut de légitimation refusé à cette organisation dans plusieurs cantons dans l'affaire des résidences secondaires. Selon la décision incidente de la 1re Cour de droit public, l'intérêt public à l'élucidation de la procédure, tout comme à la protection de la nature et du paysage prend le pas sur l'intérêt privé visant à garantir un début immédiat aux projets en cause.
(Ordonnance rendue entre autres dans l'affaire 1C_605/2012)
Maison des Religions sans contribution fédérale
La Confédération ne doit pas participer au financement de la Maison des Religions par le biais d'une contribution de l'Office fédéral de la culture (OFC). Le Tribunal administratif fédéral partage l'avis de l'OFC selon lequel dans le cas de la Maison des Religions, il ne s'agit pas d'un projet culturel. Même si c'était le cas, les conditions mises à un tel financement ne seraient pas remplies, parce que ce projet a un caractère prioritairement régional et on ne lui accorde aucune importance fédérale. En outre, il est clair que cette contribution peut aussi être réalisée sans une contribution fédérale.
(C-1194/2011 du 20.12.2012)
Critique à l'Office fédéral des migrations
Le Tribunal administratif fédéral (TAF) critique l'Office fédéral des migrations (ODM) pour sa décision de refuser l'admission provisoire à une femme camerounaise diagnostiquée positive au sida. L'ODM avait justifié sa décision par le fait qu'un retour au Cameroun ne serait pas envisageable seulement au stade de la déclaration de la maladie (stade C), et non simplement lors du diagnostic de positivité. L'intéressée se trouvait en effet au premier stade de l'infection par le virus (stade A2). Selon le TAF, l'ODM a tranché cette affaire de manière trop schématique. Avant d'atteindre le stade C, il ne faut pas conclure automatiquement au caractère admissible du renvoi, mais au contraire obtenir des informations sur l'état de santé concret de l'intéressée préalablement à la décision. Il faut en outre éclaircir la question de savoir quels traitements, analyses et médicaments sont nécessaires et disponibles sur place, si la thérapie y est abordable et dans quelles conditions sociales et sociétales elle y vit. L'ODM devra statuer à nouveau sur ce cas.
(C-1262/2012 du 20.12.2012)
Danger même sans doigt sur la détente
Celui qui dirige sur une personne une arme chargée et désassurée se rend également coupable de mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP) même s'il n'a pas posé le doigt sur la détente. La Cour de droit pénal contredit la position soutenue préalablement par le Tribunal cantonal zurichois. Selon Mon-Repos, dans le cas de mise en danger de la vie d'autrui, tout comme dans celui de brigandage qualifié, le fait d'avoir le doigt sur la détente ou non ne joue aucun rôle. La possibilité d'une mort imminente est toujours donnée lorsque quelqu'un menace d'une arme chargée et désassurée une personne située à courte distance de l'auteur. Car un tir même involontaire peut se produire à tout moment, notamment par la tension de l'intéressé, à la suite d'une réaction de la victime ou d'un tiers ou en raison d'une arme défectueuse.
(6B_317/2012 du 21.12.2012)
Coresponsabilité pour un blog
Les journaux en ligne qui offrent à leurs lecteurs un espace pour y tenir leur propre blog peuvent être aussi tenus pour responsables en cas de contenus attentatoires à la personnalité. Selon le Tribunal fédéral, en l'absence de réglementation spéciale, telle qu'il en existe pour partie dans d'autres pays, les dispositions sur la protection de la personnalité (art. 28 ss CC) sont applicables à cet état de fait. Il s'ensuit que l'on peut agir en cas d'atteinte à la personnalité contre toute personne qui y participe. Le devoir d'écarter les contenus contraires au droit de ce blog incombe donc, sans égard à la faute, non seulement à l'auteur mais encore à celui qui a offert les moyens de publier ces textes, comme dans le cas concret la Tribune de Genève. Il en va autrement de la question de verser des dommages-intérêts ou une réparation pour l'atteinte, qui exige en sus de la participation une faute de l'auteur.
(5A_792/2011 du 14.1.2013)
Chauffard pour cas d'urgence
Le Tribunal fédéral rappelle que les Services des automobiles ne doivent s'écarter que dans des cas justifiés de l'appréciation des autorités pénales au moment de juger d'une infraction à la circulation routière. Un père avait été appelé par un hôpital parce que son bébé souffrait de sévères troubles de la respiration. Il avait été prié de venir sans tarder, afin de décider de la prise de mesures nécessaires à le maintenir en vie. Sur le chemin de l'hôpital, le père roula à cinq heures du matin à plus de 60 km/h dans une zone limitée à 30 km/h.
Le Ministère public saint-gallois l'avait exempté de poursuites pénales, parce que l'intéressé se trouvait dans une situation d'urgence. Mais le Service des automobiles thurgorvien, son canton d'origine, lui retira son permis pendant 12 mois. A tort, reconnaît aujourd'hui le TF. Les autorités administratives doivent se tenir fondamentalement à l'appréciation du juge pénal, dans la mesure où elles n'ont comme en l'espèce invoqué aucun moyen de preuve supplémentaire. L'administration est aussi liée par l'appréciation du juge pénal quand celle-ci dépend fortement d'éléments que ce dernier connaît mieux.
(1C_345/2012 du 17.1.2013)
Pas d'enseigne lumineuse géante pour une étude d'avocat
Il demeure interdit aux études d'avocat d'apposer sur les façades d'un bâtiment une enseigne importante illuminée la nuit. L'étude zougoise en question occupait des locaux dans la zone industrielle de Cham. Sur le bâtiment, il était question d'apposer le nom de l'étude en lettres bleues de 70 centimètres de haut et en plus petit la mention «Avocats et notaires». La totalité de l'enseigne aurait été de neuf mètres de long et illuminée la nuit. Elle aurait correspondu par le style et l'importance à peu près à celles des autres entreprises occupant le bâtiment. Le Tribunal fédéral rappelle à ce sujet que, selon l'art. 12 de la loi sur les avocats (LLCA), l'avocat peut faire de la publicité, pour autant qu'elle se limite à des faits objectifs et qu'elle satisfasse à l'intérêt général. En l'espèce, la retenue nécessaire était toutefois dépassée.
(Délibération publique du 25.1.2013 dans l'affaire 2C_714/2012; les considérants écrits sont attendus)
Nouvelles règles pour les handicapés dans les Intercity
Les CFF ne doivent pas élargir le domaine réservé aux handicapés dans les trains Intercity. Selon leur planification, dans les futurs trains à deux étages IC200 circulant sur de longs trajets, trois places accessibles aux chaises roulantes et des toilettes réservées aux handicapés se situeront dans la partie inférieure du wagon-restaurant, dans la zone de ravitaillement. Le TAF était parvenu voici un an à la conclusion que les personnes en chaise roulante auraient été moins bien traitées que les autres voyageurs s'ils devaient globalement voyager dans la zone de restauration. Les CFF avaient été priés de prévoir, dans le wagon suivant le wagon-restaurant, trois autres places pour chaises roulantes et des autres toilettes destinées aux handicapés. Le Tribunal fédéral a admis en délibération publique le recours des CFF, estimant que ce qui était prévu ne constituait aucune discrimination des handicapés contraire à la Constitution. S'agissant du transport et du ravitaillement, les CFF délivrent en effet leurs services aux handicapés tout comme aux valides. Puisque onze sièges destinés aux valides se trouvent en outre dans la zone destinée aux handicapés, cette zone ne peut constituer un «ghetto réservé aux chaises roulantes».
(Délibération publique du 22.2.2013 dans l'affaire 2C_380/2012; les considérants écrits sont attendus). pj/s.fr
Arrêts destinés à la publication
Droit constitutionnel et administratif
L'article constitutionnel sur le renvoi des étrangers délinquants (art. 121 al. 3 Cst.) ne peut pas être appliqué directement, car il ne permet pas d'examiner les circonstances du cas concret et de faire une pesée des intérêts telle qu'elle est prévue par la CEDH.
(2C_828/2011 du 12.10.2012)
Le Tribunal administratif des Grisons était en droit d'ordonner directement la soumission de la rue principale de la commune de Sumvitg à la réglementation des zones limitées à 30 km/h, contre la volonté des autorités cantonales. Il y avait en effet une nécessité d'assurer la sécurité des piétons, au sens de l'art. 108 de l'ordonnance sur la circulation routière (OSR). Le département cantonal compétent devra encore se prononcer sur les possibilités de mise en œuvre.
(1C_160/2012 du 10.12.2012)
La partie représentée par un avocat doit savoir qu'en cas de notification d'une prise de position ne comprenant que l'indication «pour information», elle a également le droit de répliquer (conformément à l'ATF 132 I 42). Elle doit le faire dans un délai raisonnable, faute de quoi on considère qu'elle y renonce.
(1C_142/2012 du 18.12.2012)
Les personnes au bénéfice d'un visa de visiteur Schengen et se mariant lors de leur séjour en Suisse peuvent faire une demande d'autorisation de séjour en se prévalant de l'art. 17 al. 2 de la loi sur les étrangers, selon lequel l'autorité cantonale compétente peut autoriser l'étranger à rester en Suisse durant la procédure si les conditions d'admission sont manifestement remplies.
(2C_195/2012 du 2.1.2013)
On ne peut pas s'écarter des souhaits du prévenu concernant le choix d'un défenseur d'office (art. 133 CPP) sous prétexte que l'avocat choisi par le prévenu n'aurait pas poussé celui-ci à présenter clairement sa situation financière.
(1B_387/2012 du 24.1.2013)
Droit pénal
La décision d'émettre un mandat d'amener, eu égard à un ordre de détention pour des mesures de sûreté pris par un juge pendant la procédure devant la juridiction d'appel (art. 232 al. 1 CPP) n'est pas un motif de récusation de ce même juge dans la procédure au fond.
(6B_814/2011 du 30.8.2012)
Il faut déjà se prononcer, dans l'ordonnance pénale, sur l'indemnisation des frais de défense de la partie civile en rapport avec la plainte pénale. La partie civile ne peut être renvoyée à agir civilement que pour les frais d'avocat exclusivement en rapport avec la demande civile.
(6B_310/2012 du 11.12.2012)
En cas d'admission de l'appel de la partie plaignante sur la culpabilité, la Cour d'appel doit fixer une nouvelle peine correspondant à la culpabilité finalement admise, cas échéant en prononçant une sanction plus sévère que celle décidée en première instance.
(6B_434/2012 du 14.12.2012)
Droit civil
Un handicapé en chaise roulante s'est vu refuser l'entrée dans un cinéma accessible uniquement par des escaliers. Le cinéma invoquait des motifs de sécurité. Ce refus ne viole pas la loi fédérale sur l'élimination des inégalités frappant les handicapés, estime le TF. Il n'y aurait une discrimination au sens de cette loi qu'en cas de comportement particulièrement choquant et contraire aux impératifs de la non-discrimination du fait du handicap. Dans le cas concret, le renvoi du handicapé n'a pas été motivé par une intention d'exclure.
(4A_367/2012 du 10.10.2012)
Dans le cadre de leur obligation de rendre compte de leur gestion (art. 400 al. CO), les banques peuvent être contraintes de porter à la connaissance d'un client le contenu de documents internes.
(4A_13/2012 du 19.11.2012)
L'exception à la suspension des délais selon l'art. 145 al. 2 lit. b CPC ne vaut pas seulement pour la procédure sommaire, mais aussi pour la procédure de recours qui s'ensuit. L'obligation judiciaire d'avertissement est absolue, avec la conséquence qu'à défaut d'avertissement, la suspension des délais vaut également pour les parties représentées par un avocat.
(5A_378/2012 du 6.12.2012)
En tant qu'autorité de première instance, le «Bezirkrat» zurichois peut se prononcer sur des recours contre des décisions des autorités de protection de l'enfant et de l'adulte. Le législateur fédéral n'exige pas que les cantons prévoient un tribunal au sens formel comme autorité de recours dans ce domaine.
(5C_2/2012 du 17.12.2012)
L'expulsion de locataires ne peut être ordonnée en procédure sommaire que pour les cas clairs. Les cantons ne peuvent pas prévoir de manière générale la procédure sommaire pour les expulsions.
(4A_495/2012 du 10.1.2013)
L'employeur qui soupçonne un de ses employés de faire un usage abusif des moyens informatiques ne peut pas installer à son insu un logiciel espion destiné à surveiller son activité (ordonnance 1 du 10 mai 2000 relative à la loi sur le travail, OLT 3). Les moyens de preuve ainsi obtenus ne sont pas utilisables. Par conséquent, la justification du licenciement avec effet immédiat disparaît.
(8C_448/2012 du 17.1.2013)
Les caisses de compensation AVS peuvent exiger le remboursement des rentes de veuve touchées indûment après un remariage, même lorsque l'état civil ou l'Office AI connaissaient ce fait depuis longtemps. L'art. 25 al. 2 LPGA (délais pour la restitution de prestations indûment touchées) ne s'applique pas.
(9C_276/2012)
Les caisses de compensation ne peuvent pas exiger des héritiers réservataires le remboursement de prestations complémentaires (PC) touchées indûment, qui ont été léguées par testament par le bénéficiaire décédé des PC et acceptées tacitement.
(9C_678/2012) J./S. Pr
Derniers arrêts de Strasbourg
Dommages collatéraux d'une décision de blocage d'accès à un site litigieux
Ahmet Yildirim, qui réside à Istanbul, publiait depuis des années ses travaux académiques et ses points de vue sur un site créé en utilisant le service «Google Sites». Le 23 juin 2009, le Tribunal d'instance pénal de Denizli rendit une décision ordonnant le blocage de l'accès au site d'un tiers. Il s'agissait là d'une mesure préventive adoptée dans le cadre d'une procédure pénale dirigée contre ce propriétaire, qui était accusé d'outrage à la mémoire d'Atatürk. Le 29 juin, à la suite d'une indication de la Présidence de la télécommunication et de l'informatique (PTI), le tribunal réforma sa décision et décida de bloquer totalement l'accès à Google Sites, car c'était la seule possibilité de bloquer le site litigieux, son propriétaire n'étant pas titulaire d'un certificat d'hébergement et se trouvant à l'étranger. Ainsi, le requérant se trouva dans l'impossibilité d'accéder à son propre site web, ses tentatives se heurtant invariablement à la décision de blocage prononcée par le tribunal. Dans une lettre datée du 25 avril 2012, le requérant indiqua à la Cour qu'il ne pouvait toujours pas accéder à son site internet, alors qu'à sa connaissance, la procédure pénale dirigée contre le propriétaire du site litigieux s'était conclue le 25 mars 2011 par un non-lieu, du fait de l'impossibilité de déterminer l'identité et l'adresse de l'accusé, qui se trouvait à l'étranger.
La Cour européenne des droits de l'homme constate à l'unanimité que les effets collatéraux d'une procédure qui n'était dirigée ni contre Ahmet Yildirim ni contre Google Sites, a violé l'art. 10 CEDH garantissant la liberté d'expression. Il s'agissait là d'une atteinte importante au droit
de communiquer librement, car internet représente aujourd'hui l'un des plus importants moyens permettant d'exprimer ou de se procurer des informations justement sur des questions politiques ou présentant, à d'autres égards un intérêt général. La CEDH n'interdit certes pas a priori le blocage d'accès aux sites. Il nécessite cependant une norme claire et précise permettant au requérant de régler sa conduite en la matière. Ces restrictions doivent s'inscrire dans un cadre légal particulièrement strict quant à la délimitation de l'interdiction et efficace quant au contrôle juridictionnel contre d'éventuels abus. Or, le tribunal turc s'est basé sur une indication de la PTI, sans même chercher si une mesure moins lourde pouvait être adoptée pour bloquer l'accès au site litigieux. Il aurait dû veiller au fait qu'une telle mesure affectait considérablement les droits des internautes et avaient un effet collatéral important. Le droit interne ne prévoyait aucune garantie pour éviter qu'une mesure de blocage visant un site précis ne soit utilisée comme moyen de blocage général.
(Arrêt de la 2e Chambre N° 3111/01 «Ahmet Yildrim contre Turquie» du 18.12.2012)
Divers arrêts de la Cour sur la religion au travail
Dans quatre affaires différentes, la Cour s'est exprimée au sujet des limites à poser à l'expression de la foi dans le cadre du travail.
Elle n'a reconnu une violation de la liberté de religion que dans le cas d'un employé de British Airways, qui n'avait pas le droit de porter durant son travail une croix autour du cou visible par des tiers. D'après la conception de la majorité de la Cour (5 voix contre 2), l'entreprise a donné trop de poids à son projet de donner une image unifiée du personnel.
Elle a en revanche jugée conforme à la Convention l'interdiction de porter des chaînettes autour du cou (avec ou sans croix) pour le personnel soignant d'un service de gériatrie. Cette interdiction a en effet pour but de garantir la sécurité, dès lors que des patients désorientés pourraient tirer sur ces chaînettes et se blesser. La direction de telles organisations étatiques serait mieux à même d'apprécier les questions relatives à la sécurité que la Cour.
La Cour a également accepté à l'unanimité le licenciement d'un conseiller conjugal employé dans un bureau de thérapie de couple. En raison de sa position de chrétien orthodoxe vis-à-vis du mariage et de la sexualité, il s'était refusé à conseiller des couples homosexuels, et en avait fait part à ses supérieurs. La Cour a considéré que la limitation de la liberté religieuse de l'intéressé servait en l'espèce à assurer des conseils exempts de discrimination. Dans ce domaine, les autorités étatiques disposeraient d'un important pouvoir d'appréciation, qu'elles n'ont pas excédé en l'espèce.
La Cour a été moins catégorique dans le cas d'une employée d'un service d'état civil, qui s'était refusée à apporter son concours à l'inscription de partenariats enregistrés de personnes de même sexe et qui avait été licenciée de ce fait. La 4e Chambre de la Cour a rejeté sa requête par cinq voix contre deux.
(Arrêt de la 4e Chambre N° 48420/10 «Eweida et alii contre Grande-Bretagne» du 15.1.2013)
Les règles sur l'adoption de l'enfant d'un premier lit ne doivent pas discriminer les homosexuels
Si un Etat partie à la Convention autorise dans son droit national à des couples non mariés l'adoption d'un enfant d'un premier lit, il ne doit pas discriminer les couples homosexuels vis-à-vis des couples hétérosexuels. La Grande Chambre de la Cour a estimé que la situation juridique prévalant en Autriche était contraire aux droits de l'homme (violation de l'art. 14 CEDH relatif à l'interdiction de discrimination en liaison avec l'art. 8 CEDH, droit au respect de la vie privée et familiale). Il a admis la requête de deux femmes nées en 1967 vivant dans une relation stable et du fils d'une de ces femmes.
Le Gouvernement autrichien n'a fait valoir aucun motif convaincant justifiant d'exclure justement l'adoption de l'enfant d'un premier lit aux couples homosexuels seulement. Une telle mesure ne serait pas apte à la protection du bien de l'enfant. La majorité de la Grande Chambre n'a pu reconnaître aucun désavantage dans le fait qu'un enfant soit élevé par un couple homosexuel et se trouve juridiquement avoir deux mères ou deux pères. Elle a aussi été convaincue par l'avis des requérants, selon lequel il existait bel et bien des familles formées de personnes de même sexe, mais qu'on leur refusait reconnaissance et protection juridiques. Les juges minoritaires ont certes allégué qu'en l'espèce, le père biologique de l'enfant s'opposait à l'adoption. Mais la Grande Chambre a estimé que la Cour devait accompagner et canaliser les modifications sociales en se livrant à une interprétation dynamique de la Convention, sans pour autant la trahir ni s'imposer à elle.
Dans l'arrêt «Gas & Dubois contre France» du 15 mars 2012, la Cour avait décidé qu'un couple de même sexe, dans lequel l'un des partenaires souhaitait adopter l'enfant de l'autre, ne pouvait être mis sur le même pied qu'un couple marié dans une semblable situation. Le jugement de la Grande Chambre précise que les Etats disposent en la matière d'un certain pouvoir d'appréciation. En outre, le mariage assure aux conjoints un statut particulier, qui s'accompagne de conséquences sociales, personnelles et juridiques particulières.
(Arrêt de Grande Chambre N° 19010/07 «X et alii contre Autriche» du 19.2.2013)
F.Z./S.Fr