Droit des assurances sociales
Retard pris dans la désignation d’un COMAI
Une attente de plus de deux ans et demi pour la désignation d’un Centre d’observation médicale de l’AI (COMAI) ne saurait, selon la majorité de la IIe Cour de droit social, être vu comme un déni de justice.
Etat de fait
A., monteur électricien de formation, travaillait comme mécanicien de locomotives. Il a déposé une demande de prestations auprès de l’Office de l’assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l’office AI) le 5 juin 2007.
Au terme de la procédure d’instruction, l’administration lui a reconnu le droit à une demi-rente d’invalidité à compter du 1er juin 2007 (décisions des 12 août et 1er septembre 2010).
Invoquant une péjoration de son état de santé, l’assuré a requis la réévaluation de sa situation le 12 décembre 2011.
Après avoir réuni les renseignements médicaux nécessaires, l’office AI a rejeté cette demande (décision du 16 octobre 2012).
Sur recours de l’intéressé, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud a annulé la décision rendue le 16 octobre 2012 et a renvoyé la cause à l’administration afin qu’elle en complète l’instruction (en réalisant une expertise pluridisciplinaire) puis rende une nouvelle décision (jugement du 23 juillet 2013).
Après avoir consulté ses services juridique et médical, l’office AI a avisé A. qu’il entendait mettre en œuvre les investigations médicales imposées par jugement et que les experts seraient choisis de façon aléatoire (communication du 7 octobre 2013). En l’absence d’observations particulières de l’assuré (lettre du 13 novembre 2013), le dossier de ce dernier a été inscrit sur la plateforme SuisseMED@P (système d’attribution aléatoire des mandats d’expertise) le 19 novembre 2013. L’administration n’a pas pu apporter de réponse aux demandes de l’intéressé (courriers des 3 décembre 2014 et 10 février 2015) portant sur la date à laquelle l’expertise pourrait être réalisée (correspondance du 13 février 2015).
A. a saisi l’autorité judiciaire cantonale d’un recours pour déni de justice, le 18 mars 2015. L’office AI s’est contenté d’expliquer son incapacité à accélérer le processus de désignation des centres d’expertise.
La juridiction cantonale a rejeté le recours pour déni de justice, dans la mesure où il était recevable (jugement du 13 juillet 2015).
L’assuré a agi contre ce jugement par la voie du recours en matière de droit public. Il demande l’annulation de cet acte et conclut au renvoi de la cause au Tribunal cantonal afin qu’il examine son recours sur le fond.
L’administration conclut implicitement au rejet du recours. L’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a renoncé à se déterminer.
La IIe Cour de droit social du Tribunal fédéral a tenu une délibération publique le 22 avril 2016.
Extrait des considérants
5.
5.1. Comme correctement mentionné par les premiers juges, le Tribunal fédéral a déjà pu s’exprimer sur la problématique des retards qui pouvaient survenir à l’occasion de la mise en œuvre du système d’attribution aléatoire de mandats d’expertise pluridisciplinaire par le biais de la plateforme informatique SuisseMED@P exploitée par la Conférence des offices AI (cf. arrêt 9C_140/2015 du 26 mai 2015). A cette occasion, il avait distingué les attributions respectives des offices AI – ou de l’OFAS – et des autorités judiciaires dans le fonctionnement de cette plateforme.
5.2. La Cour de céans avait constaté que, puisqu’il intervenait au stade de la réalisation des expertises multidisciplinaires permettant d’évaluer l’invalidité d’un assuré, le fonctionnement de la plateforme mentionnée relevait des attributions légales des offices AI (cf. art. 57 let f. LAI) et – partant – était l’un des éléments sur lesquels la Confédération exerçait un devoir général de surveillance (cf. art. 64 LAI). Elle avait également relevé que ce devoir de surveillance avait été délégué au Département fédéral de l’intérieur qui en avait transféré une partie à l’OFAS afin que celui-ci s’en acquitte de façon indépendante (cf. art. 176 RAVS, qui est applicable par renvoi des art. 64 LAI et 72 RAVS). Elle avait inféré de ces dispositions légales et réglementaires qu’il n’appartenait pas à une autorité judiciaire de s’exprimer, sous l’angle du déni de justice, sur les difficultés et les retards survenus dans le contexte de l’exécution d’une décision entrée en force de chose décidée (cf. arrêt 9C_72/2011 du 20 juin 2011 consid. 2.2 et 2.3), mais qu’il revenait à l’OFAS d’intervenir – à la suite de dénonciations, éventuellement – en exerçant son contrôle sur l’exécution par les offices AI des tâches énumérées à l’art. 57 LAI (cf. art. 64a al. 1 let. a LAI) et en édictant à l’intention desdits offices des directives générales ou portant sur des cas d’espèce (cf. art. 64a al. 1 let. b LAI et 50 al. 1 RAI; cf. consid. 5.2.1 de l’arrêt 9C_140/2015 du 26 mai 2015). Elle avait enfin considéré que, comme le soutient en l’espèce le recourant, les autorités judiciaires devaient toutefois examiner l’influence du retard pris dans l’exécution de la décision visant la réalisation d’une expertise sur l’ensemble de la procédure et déterminer si le temps écoulé faisait apparaître l’absence de décision finale comme un retard injustifié (cf. consid. 5.2.2 de l’arrêt 9C_140/2015 du 26 mai 2015).
6.
6.1. Le premier grief par lequel le recourant vise à imputer la responsabilité du retard dans la réalisation de l’expertise à l’administration au motif que celle-ci n’aurait pas conclu suffisamment de conventions avec des centres d’expertise ne lui est d’aucune utilité dès lors que ces conventions doivent être conclues entre les centres d’expertise et l’OFAS, et non les offices AI (cf. art. 72bis al. 1 RAI). Le nombre insuffisant de conventions peut être une des causes de dysfonctionnement du système d’attribution des mandats d’expertise par le biais de la plateforme SuisseMED@P, ce qui ne relève pas de la compétence des tribunaux au regard de ce qui précède (cf. consid. 5.2).
6.2. On relèvera ensuite que la juridiction cantonale a omis de statuer sur le second grief de l’assuré, c’est-à-dire de déterminer si, eu égard à l’ensemble de la procédure, le retard pris dans la concrétisation de l’expertise faisait apparaître le défaut de décision finale comme un retard pouvant être qualifié d’injustifié.
Le caractère raisonnable de la durée de la procédure doit s’apprécier en fonction des circonstances particulières de la cause (cf. ATF 125 V 188 consid. 2a p. 191 s.). Si l’on considère que la procédure pendante initiée par le dépôt de la demande de révision du 12 décembre 2011 a suivi son cours régulier et normal jusqu’à l’enregistrement du dossier du recourant dans le système SuisseMED@P le 19 novembre 2013, les seize mois passés ensuite jusqu’au dépôt par l’assuré d’un recours pour déni de justice le 18 mars 2015 peuvent certes paraître longs pour l’étape de la désignation des experts. Cependant, la durée de la procédure dans son ensemble ne peut être qualifiée de déraisonnable étant donné les circonstances particulières de la cause. En effet, le complément d’instruction ordonné par la juridiction cantonale le 23 juillet 2013 s’inscrit dans les suites de l’ATF 137 V 210 qui, outre l’amélioration des exigences de qualité et de contrôle des centres d’expertise ou l’élargissement des droits de participation des parties, a introduit le principe du hasard dans l’attribution des mandats d’expertise. La mise en œuvre d’un tel système au moyen d’une plateforme informatique engendre forcément des ajustements et des délais auxquels s’ajoutent concrètement les difficultés liées aux spécificités de l’expertise (cinq disciplines visant à évaluer l’impact du cumul des pathologies diagnostiquées). Dans ces circonstances, les seize mois de retard pris dans l’exécution de la décision ne font pas encore apparaître le défaut de décision finale comme un retard injustifié. Le recours doit donc être rejeté. Toutefois, ces seize mois de retard mettent en évidence une situation insatisfaisante, voire un dysfonctionnement, qui, s’il perdurait, serait éventuellement susceptible de causer un retard injustifié.
6.3. Comme il vient juste d’être évoqué, la situation dans laquelle se trouve l’assuré est insatisfaisante et difficilement compréhensible pour un justiciable. Elle laisse supposer que la plateforme SuisseMED@P ne fonctionne pas, ou pas correctement, du moins dans certaines circonstances telles que la réalisation d’une expertise regroupant plusieurs disciplines choisies de manière contraignante par l’administration. L’hypothèse qu’aucun centre d’expertise ne réunisse les compétences requises – et, par conséquent, l’impossibilité de réaliser l’expertise ordonnée – est plausible. Ce dysfonctionnement est du ressort de l’OFAS (cf. consid. 5.2). Il convient donc de lui transmettre le dossier afin qu’il assume son rôle d’autorité de surveillance en identifiant les causes du problème et en indiquant au moyen d’une directive générale ou portant sur le cas d’espèce comment les solutionner. Cela se justifie d’autant plus que l’office intimé a inscrit l’expertise sur la plateforme SuisseMED@P en date du 19 novembre 2013 et que, depuis le 1er janvier 2015, prévaut le principe «premier entré, premier sorti». Ceci fait, l’OFAS transférera le dossier à l’office AI pour que celui-ci reprenne le traitement du dossier.
(Arrêt du 22 avril 2016 9C_547/2015 de la IIe Cour de droit social du Tribunal fédéral, rendu à cinq juges, mais non destiné à la publication)
Commentaire
L’arrêt ci-dessus a été rendu lors d’une délibération publique tenue le 22 avril 2016, à une majorité de trois juges fédéraux contre deux: les juges Meyer (SP), Glanzmann (FDP) et Moser-Szeless (UDC), contre les juges Parrino (PSS) et Pfiffner (Grüne Partei). Les délibérants ont bien relevé qu’à la date de la délibération, le 22 avril 2016, il n’avait toujours pas été désigné de COMAI pour la réalisation de l’expertise pluridisciplinaire, telle que préconisée par jugement du Tribunal cantonal vaudois, du 23 juillet 2013. D’autre part, présent à l’audience du 22 avril 2016, l’avocat soussigné du recourant a pu, avec quelque sidération, lors du 2e tour de parole des juges de la Cour, entendre le juge fédéral Ulrich Meyer dire que l’assuré, respectivement son avocat, aurait sans doute dû, pour remédier au retard dans la désignation de tel ou tel COMAI, proposer à l’office AI du canton de Vaud la réalisation, hors système COMAI, et pour chaque discipline médicale requise, d’autant d’expertises médicales séparées.
Jean-Marie Agier, avocat à Lausanne
Droit pénal
Libération conditionnelle: compétence d’un juge unique ou d’un collège de trois juges?
Malgré la lettre apparemment claire de l’art. 26 al. 2 LEP/VD, le TF estime qu’un juge d’application des peines unique peut être compétent pour prendre une décision relative à la libération conditionnelle d’un détenu purgeant une peine privative de liberté d’une durée supérieure à six ans.
Etat de fait
M. exécute trois peines privatives de liberté de, respectivement, trois ans, vingt jours et trois ans, soit six ans et vingt jours au total. Elle a atteint les deux tiers des peines le 10 janvier 2016, la libération définitive étant prévue pour le 16 janvier 2018.
Par ordonnance du 22 mars 2016, le juge d’application des peines du canton de Vaud a refusé la libération conditionnelle à M.
Par arrêt du 1er avril 2016, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours de M.
Celle-ci forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant, avec suite de dépens, à son annulation et au renvoi de la cause en première instance pour qu’il soit statué dans une composition à trois juges. Elle sollicite par ailleurs l’assistance judiciaire.
Extrait des considérants
1.
Se référant notamment à l’art. 29 al. 2 Cst., la recourante se prévaut d’une composition irrégulière de l’autorité de première instance en raison d’une application arbitraire de l’art. 26 al. 2 de la loi [du canton de Vaud] du 4 juillet 2006 sur l’exécution des condamnations pénales (LEP; RSV 340.01).
1.1 La recourante ne dit pas en quoi les dispositions constitutionnelles ou conventionnelles qu’elle mentionne auraient une portée distincte par rapport à l’application arbitraire de la norme cantonale dont elle se prévaut. Ses critiques seront examinées sous ce seul angle.
1.2 Sauf dans les cas cités expressément à l’art. 95 LTF, la violation du droit cantonal, y compris du droit fédéral appliqué à titre de droit cantonal supplétif, ne constitue pas un motif de recours en tant que tel. La partie recourante peut uniquement se plaindre que l’application de ce droit par l’autorité précédente consacre une violation du droit fédéral au sens de l’art. 95 let. a LTF, en particulier qu’elle est arbitraire (ATF 140 III 385 consid. 2.3 p. 387; 138 V 67 consid. 2.2 p. 69; sur la notion d’arbitraire, v. ATF 141 IV 305 consid. 1.2 p. 308 s.; ATF 140 III 16 consid. 2.1 p. 18 s.). Le Tribunal fédéral n’examine la violation des droits fondamentaux, parmi lesquels l’interdiction de l’arbitraire, que si ce moyen est invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), c’est-à-dire s’il a été expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée (ATF 141 I 36 consid. 1.3 p. 41; 139 I 229 consid. 2.2 p. 232). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 141 IV 259 consid. 1.3.1 p. 253).
1.3 L’art. 26 al. 2 LEP/VD prévoit que, lorsque la durée de la peine privative de liberté prononcée à l’encontre de la personne condamnée est égale ou supérieure à six ans ou lorsqu’un internement a été ordonné à l’endroit de ladite personne condamnée, le collège des juges d’application des peines est seul compétent pour prendre une quelconque décision relative à la libération conditionnelle.
Dans le cadre de son analyse, l’autorité précédente a fait état de l’ordonnance du Conseil fédéral du 19 septembre 2006 relative au code pénal et au code pénal militaire (O-CP-CPM; RS 311.01). Aux termes de l’art. 4 de cette ordonnance, si, lors de l’exécution, il y a concours entre plusieurs peines privatives de liberté, elles sont exécutées simultanément, leur durée totale étant alors déterminante. L’art. 5 al. 1 O-CP-CPM précise que la date la plus proche de la libération conditionnelle d’une personne condamnée à des peines privatives de liberté d’une durée limitée et exécutables simultanément se détermine d’après la durée totale de ces peines. L’autorité précédente a mentionné qu’au niveau cantonal, la LEP/VD ne précise pas la manière dont il faut calculer la peine de six ans déterminante au sens de l’art. 26 al. 2 LEP/VD. Elle s’est référée au Bulletin du Grand Conseil vaudois, juin 2006 n° 343, duquel il ressort que dans le but d’éviter que des décisions dont les enjeux sont importants ne reposent sur un seul juge, celles-ci doivent être confiées à un collège des juges d’application des peines, en particulier si la peine totale est supérieure à six ans. L’autorité précédente a considéré que si les principes de droit fédéral énoncés dans le cadre de l’O-CP-CPM étaient pertinents pour l’exécution en concours de plusieurs peines, ils ne l’étaient pas lorsqu’il s’agissait de déterminer l’autorité compétente, le droit cantonal étant alors applicable. Comme l’indique la lettre de l’art. 26 al. 2 LEP/VD, le collège des juges d’application des peines est compétent lorsque «la» peine privative de liberté est supérieure à six ans. Par le choix de ce déterminant singulier, le législateur démontre avoir voulu précisément viser les cas dans lesquels une peine unique supérieure à six ans a été prononcée et non ceux dans lesquels le cumul des peines prononcées à l’encontre d’un même condamné serait supérieur à cette limite. Bien que le Bulletin du Grand Conseil ait à une reprise utilisé la notion de «peine totale», on doit comprendre de l’ensemble de ce texte que l’institution d’un collège en lieu et place d’un juge unique repose sur la volonté d’éviter que les décisions aux enjeux importants et qui pourraient être lourdes de conséquences ne reposent sur une seule personne. En adoptant la LEP/VD, la volonté du législateur était donc bien de confier à un collège de trois juges les décisions concernant des personnes condamnées à une lourde peine pour une infraction grave ou dénotant une dangerosité particulière et non celles concernant des petits délinquants multirécidivistes qui exécuteraient de façon simultanée plusieurs condamnations d’importance moindre, même si le cumul des peines devait se révéler supérieur à six ans. Pour l’autorité précédente, c’est donc bien cette interprétation qui doit être suivie, ce d’autant que si l’on devait prendre en considération le cumul de peines pour déterminer la limite de la compétence du collège, cela conduirait immanquablement à traiter de manière différente le condamné qui, par les hasards du calendrier, de l’avancement des procédures et des dates de ses condamnations successives exécuterait l’ensemble de ses peines en une fois – et qui serait dès lors soumis à l’appréciation du collège des juges d’application des peines – de celui qui, condamné aux mêmes peines mais les exécutant successivement, verrait sa cause soumise, lors de chacune de ses exécutions de peine, à l’appréciation d’un juge unique (arrêt attaqué p. 14 s. [recte: p. 12 s., ndlr.]).
1.4 La recourante passe en revue les méthodes d’interprétation de la loi. Elle se contente d’opposer sa propre vision à celle retenue, dans une démarche purement appellatoire, partant irrecevable. Ni l’art. 86 al. 1 CP ni les dispositions de l’O-CP-CPM auxquels elle se réfère ne fournissent un quelconque appui quant à une application arbitraire de la norme cantonale concernant la composition de l’autorité contenu à l’art. 26 al. 2 LEP/VD. L’argumentaire présenté est inapte à établir en quoi l’approche de la cour cantonale serait arbitraire. Même en admettant que la solution est discutable, voire qu’une autre solution aurait été préférable, l’approche cantonale n’est pas manifestement insoutenable et ne peut donc être qualifiée d’arbitraire. Pour le surplus, la recourante n’articule aucun grief recevable quant au refus de la libération conditionnelle.
2. Le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Ses conclusions étant dépourvues de chance de succès, l’assistance judiciaire est rejetée. La recourante doit supporter les frais judiciaires, fixés en considération de sa situation financière qui n’apparaît pas favorable.
(Arrêt du 7 juin 2016 6B_559/2016 de la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral)
Commentaire
Dans le cadre d’un recours en matière pénale contre une décision rendue en application de la législation cantonale d’exécution des peines, «seule la violation du droit fédéral au sens de l’art. 95 let. a LTF pourra être invoquée et l’examen sera limité à l’arbitraire» (CORBOZ B., Commentaire de la LTF, 2e éd., 2014, N. 35 ad art. 78, p. 767). Cela dit, «Une décision peut aussi être considérée comme arbitraire non pas parce qu’elle viole gravement la loi sur laquelle elle se fonde, mais parce qu’elle va à l’encontre d’un principe fondamental» (ATF 132 I 175 et 132 I 140, cités par AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, volume II, 3e éd., Berne 2013, p. 538).
Dans son recours du 17 mai 2016, formé contre un jugement cantonal rendu en application de l’art. 26 al. 2 LEP/VD, la recourante a expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée, la violation de cinq principes fondamentaux, à savoir: du principe de la légalité, du droit à un procès équitable, du droit à ce que la cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, du droit d’être entendu, et du principe de l’égalité de traitement. Puisque, à son avis, le jugement faisant l’objet du recours allait à l’encontre de cinq garanties issues de dispositions constitutionnelles et conventionnelles, la recourante a conclu que ledit jugement était arbitraire. Par son arrêt ci-dessus, le Tribunal fédéral ne s’est pas donné la peine d’examiner les griefs susmentionnés de la recourante, laissant ceux-ci en suspens.
A suivre la Haute Cour dans l’arrêt commenté ici, il y aurait des violations du droit fédéral et des conventions internationales qui seraient, dans le cadre de l’application du droit cantonal, admissibles, ce à la condition de ne pas tomber dans l’arbitraire. Cela supposerait-il que certaines applications du droit cantonal contraires au droit fédéral et aux conventions internationales ne seraient pas arbitraires? Dans ce cas, on serait curieux de connaître la position du Tribunal fédéral sur la question de l’application uniforme des principes fondamentaux par les autorités cantonales. On se permet aussi de se demander quelle est la place réservée à la hiérarchie des normes dans l’interprétation que fait ici le Tribunal fédéral.
Par ailleurs, dans son recours, la recourante ne s’était pas contentée de passer «en revue les méthodes d’interprétation de la loi» (consid. 1.4 ci-dessus). Elle avait également expliqué pourquoi, selon elle, une interprétation téléologique et systématique de la notion de «peine privative de liberté» au sens de l’art. 26 al. 2 LEP/VD confirmait son point de vue. Mais elle avait surtout exposé, au préalable, que «le texte de l’art. 26 al. 2 LEP est absolument clair. Il n’y a pas lieu d’y introduire, entre diverses peines égales ou supérieures à six ans, l’idée d’une distinction fondée sur la composition des peines en question». La recourante avait enfin relevé que «Le caractère clair ou non de l’art. 26 al. 2 LEP ne fait, dans l’arrêt entrepris, l’objet d’aucune discussion». Et dans l’arrêt du Tribunal fédéral qui s’est ensuivi, non plus.
Christophe Tafelmacher, avocat à Lausanne